Il est probable que le parti réputé « d’extrême-droite » autrichien, le FPÖ revienne au gouvernement de Vienne. Cela fera grincer quelques dents en Europe, braire les bien-pensants à sens unique de notre microcosme qu’on n’ose plus appeler national. Les Autrichiens s’en battront les deux yeux. Mais on mesure ici l’abîme qui sépare les deux pays. Certes le FPÖ est à l’origine un parti libéral, qui a viré à droite toute plus tard, mais si le Front National a bien été fondé par la réunion de groupes d’extrême-droite, son évolution, la gestion des collectivités locales dont il a la charge, son respect des règles
démocratiques ne posent pas plus de problèmes que n’en pose le FPÖ qui dirige ou a dirigé des régions, non seulement avec les conservateurs mais aussi avec les sociaux-démocrates. Dans la comparaison entre l’Autriche et la France, il n’est pas sûr que l’erreur soit autrichienne. Il y a dans notre pays une sorte de « dextrophobie » pour parler le langage des adversaires. Celle-ci consiste, pour un parti qui se proclame plus que jamais de droite dans les discours de son candidat à la présidence favori, à repousser avec horreur ou indignation non seulement ce qui est à sa droite, mais aussi ce qui, dans ses propres rangs, afficherait des convictions réellement de droite. En France, la droite est à droite parce que c’est là que sont les électeurs, mais elle n’est pas de droite car c’est là que sont les convictions, qui ne sont pas les siennes, si tant est qu’elle en ait, et qui lui font peur.
C’est ainsi que Virginie Calmels a jeté l’anathème sur Sens Commun. Il fallait oser ! Proche de Juppé, qui lui n’est clairement pas de droite, mais s’est contenté de faire carrière à droite, elle est devenue « le » soutien stratégique de Wauquiez pour que celui-ci ne s’enferme pas dans une pensée « buissonnière ». En deux arguments, elle boute Sens Commun hors de la « famille politique » dont elle se fait la gardienne de l’orthodoxie. D’abord, Sens Commun n’est pas à sa place au sein d’un parti politique. C’est un « lobby » sociétal, dit-elle. En phase avec Macron, croît-elle utile de préciser, sans doute pour souligner son ancrage politique chez Les Républicains, elle considère que le sociétal n’est ni de gauche, ni de droite. Cette grande distraite n’a pas perçu que les lois « progressistes » ou « décadentes » sont toujours le fait de la gauche, et que ceux qui les contestent sont le plus souvent de droite, comme le vote de la loi Taubira et les centaines de milliers de défenseurs de la famille traditionnelle l’ont amplement démontré. On appréciera au passage qu’elle parle de sa famille politique pour exclure les partisans de la famille, la vraie. Curieuse logique qui consiste à nourrir une conception très ouverte de cette dernière et d’être fermée dans sa conception de la « famille politique » en ne supportant pas que des idées différentes des siennes s’y expriment. En fait, cette étonnante prise de position a le mérite involontaire de l’aveu. La droite française n’est pas de droite. C’est un vieille supercherie de ses dirigeants de faire croire le contraire à leurs électeurs. Lorsque Sarkozy gagnait les élections ou manquait de les gagner grâce à Buisson, lorsque Fillon remportait la primaire, aussitôt une partie, et non la moindre, des caciques de l’UMP ou des Républicains, dénonçaient la dérive droitière. Ils menacent aujourd’hui de quitter le bateau si Wauquiez le fait accoster rive droite. Que les questions sociétales qui dépendent de la vision que l’on a de l’Homme et de la société soient éminemment politiques est une évidence criante. L’économie, qui est en grande partie une technique, divise beaucoup moins. Pour le coup, Macron en est la preuve. On ne fait pas la guerre civile entre les partisans de la CSG et ceux de la TVA. On peut en ressentir l’atmosphère lorsqu’un camp porte atteinte à ce que l’autre considère comme sacré. On remarquera avec surprise que chez Les Républicains on exclut plus facilement ceux qui expriment la sensibilité conservatrice de nombre d’électeurs « républicains » plutôt que ceux qui ont carrément trahi en soutenant par exemple des listes conduites par des socialistes aux sénatoriales ou en participant au gouvernement.
En second lieu, Mme l’inquisitrice débusque le péché suprême. Le Président de Sens Commun a jugé qu’il travaillerait volontiers avec Marion Maréchal. Cette dernière, qui est en disponibilité de la politique, a un profil politique clair. Elle est libérale-conservatrice. Elle est anti-socialiste par les deux bouts, celui de l’économie, et celui du « sociétal ». C’est ce qui l’opposait à un Philippot. Pourquoi diable un homme de droite ne discuterait pas avec celui qui défend les mêmes idées que lui, mais appartient à un autre parti ? Le Front National est frappé d’une sorte de tabou : il est intouchable. Qui s’en approche est maudit ! On comprend l’intention mercantile d’une boutique politique de se défier d’un concurrent. On comprend plus mal l’imposture qui consiste pour une formation politique digne de ce nom à fonder sa légitimité sur des idées qui ne devraient pas être les siennes, en tout cas, pas les seules et à excommunier ceux qui « de bonne foi » essaient de défendre les piliers du temple.
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