Par Christian Vanneste, Président de La Droite Libre
La volonté exige une énergie tendue vers un objectif pour lequel une personne se mobilise consciemment. Le peuple ce n’est pas la somme des individus présents sur un territoire et possédant la nationalité qui lui est propre, c’est une nation consciente de son identité et de son destin. Lorsqu’on allie ces deux concepts, on aboutit à la volonté générale qui ne prend tout son sens qu’à deux conditions : il faut que la majorité soit nette et positive, que le choix qu’elle effectue soit la conséquence d’un vrai débat. Les dernières élections présidentielles qui ont offert cette image sont celles de 2007 et de 2012. La France avait trouvé le rythme normal des grandes démocraties : un choix entre deux projets clairement opposés. On peut simplement regretter que Sarkozy entre deux campagnes à droite ait cru malin de brouiller les esprits avec une stupide ouverture à gauche. Depuis 2017, ce brouillage n’est plus un accident, mais le coeur d’un système, celui de l’”en même temps”, d’une interprétation du “ni gauche, ni droite”, qui ne soit plus un dépassement vers l’intérêt supérieur de la France, mais un compromis entre les professionnels de la politique, les survivants du Parti Socialiste accrochés à leur bouée, M. Macron, et les rescapés des Républicains qui après le torpillage de François Fillon ont rejoint à la nage le fringant navire de la gauche réconciliée avec le capital.
Ils s’attendent, désormais, à être rattrapés après le naufrage de Mme Pécresse par la masse des élus locaux de LR. Nombreux sont ceux qui ont anticipé et ainsi précipité la submersion.
A regarder les résultats de ce premier tour de 2022, on observe que le déplacement des voix de “la droite républicaine” s’est poursuivi parallèlement au ralliement ou à la désertion des élus. Mais dans ce double mouvement, ce qui disparaît, ce sont les idées, les valeurs qui peuvent mobiliser une majorité ou une opposition. Fillon correspondait à une droite conservatrice, soucieuse d’ordre et de rigueur. Son échec est venu de la contradiction entre ces valeurs et son comportement personnel épinglé de façon opportune et excessive. Aujourd’hui, Macron réunit derrière lui un groupe sociologique mû par des intérêts, non par des idées ou des valeurs qu’on serait en peine de définir. Après cinq années de péripéties diverses, la bourgeoisie des métropoles a détesté le désordre populaire des gilets jaunes, a applaudi au contraire l’ordre sanitaire tardif, mais rassurant, s’intéresse peu à la violence qui ne touche pas ses quartiers résidentiels, ignore l’immigration qu’elle ne voit que de haut et de loin. Elle souhaite jouir d’une vie paisible loin des terroristes et de l’Ukraine envahie pour laquelle elle veut bien allumer quelques bougies. Elle apprécie le beau parleur bien vêtu, énarque, technocrate et banquier, dont la curieuse vie familiale ne rebute pas ceux qui contrairement aux générations précédentes sont attachés aux choix individuels, sans préjugés. La villa du Touquet est le symbole de leur monde. Quelques mesures libérales superficielles et des résultats apparents qui sont en fait le produit d’une bonne vieille dépense publique outrancière bien socialiste les comblent d’aise. D’ailleurs, le Maire de la ville qui est “de droite” a donné son parrainage à Macron et les politiciens sérieux, les Juppé, les Woerth, le soutiennent plus ou moins directement : inutile d’approfondir !
Si je compare les résultats de la ville de Tourcoing et ceux de Marcq-en-Baroeul dans la région que j’habite, on peut comprendre combien l’illusion du macronisme est dangereuse. La “volonté” exprimée hier par les partisans du Président sortant n’est pas et ne peut être celle d’un peuple. Tourcoing est une ville qui s’est prolétarisée tandis que sa périphérie s’embourgeoisait. C’est M. Mélenchon qui arrive en tête avec 36,20% des suffrages suivi par Marine Le Pen avec 23,43%. Macron n’arrive que troisième avec 23,39% et Zemmour loin derrière n’a que 4,62%. Quant à Valérie Pécresse, elle devient quasi invisible : 2, 12%. A Marcq-en-Baroeul, qui est le Neuilly lillois, Macron arrive en tête avec 42, 07% et Marine Le Pen n’a que 11,58%. Pécresse et Zemmour sont à 8% et Mélenchon à 16%. C’est de la sociologie, pas de la politique ! Le ministre de l’Intérieur avait proclamé sa victoire municipale à Tourcoing avec 60% des voix… mais avec 25% des votants : l’illusion se dissipe. Les électeurs de Mélenchon et de Le Pen étaient restés chez eux ! Son impact politique sur les Tourquennois est nul !
En s’éloignant de la compétition et en fuyant le débat pour n’être que président protecteur, M. Macron a bénéficié passivement des événements. La crise ukrainienne a renforcé le besoin de protection et de paix, et donc accentué la peur du changement et davantage de la rupture. La peur est d’ailleurs le sentiment politique dominant depuis de nombreuses années : elle invite au repli, non à une grande ambition politique pour la France. La grande majorité des médias a soutenu le sortant, à droite parce qu’il a été banquier, à gauche parce qu’on le devine “disrupteur” : transgressif sur les valeurs morales ou nationales, avec la manière de vivre du conformisme friqué. Elle n’a ménagé ni Zemmour, ni Pécresse qui pouvaient le menacer en ne lui laissant pas les voix des électeurs classés “à droite”. Le choix de LR a été désastreux : avec une candidate chassant les idées comme des papillons, prête à se rallier à toutes les modes, et à jouer tous les rôles, elle a sonné faux d’un bout à l’autre. Pourquoi prendre la copie quand on a l’original ? Zemmour ne s’était pas trompé, mais lui aussi qui a fait sans doute la plus belle campagne, et sur des idées, avec quelques maladresses et surtout une hostilité systématique de la presse, s’est replié sur sa sociologie : il voulait les CSP+ et le peuple. Il a les premiers, ceux du moins qui sont lucides et conservateurs, une partie sans doute de l’électorat LR, mais l’électorat populaire est retourné chez Marine Le Pen qu’il a puissamment contribué à modérer. Des cadres du RN l’ont rejoint, des électeurs de LR, ni les cadres de LR ni les électeurs du RN.
Le vote d’hier n’est pas celui d’une nation, mais celui d’un archipel balayé par les vents des événements, et dont les îles sont maintenues dans le brouillard des manipulations médiatiques. La Gauche de Mélenchon n’est pas une île, mais un archipel dans l’archipel, avec un résidu social du PS, un reliquat de pastèques qui ont enlevé le vert, et surtout la promesse multiple des communautés d’une France “créolisée”.
Tout cela ne fait pas un peuple, une nation, qui puisse exprimer une volonté. Le scénario prévu est que l’addition des refus empêche une fois encore la France de vouloir clairement quelque chose.
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