Les milieux autorisés, comme aurait dit Coluche, s’ébaubissent à l’unisson de l’émergence de François-Xavier Bellamy après s’en être gaussés. Comment, se disent-ils, être un néophyte en politique et mener une campagne si efficace ? La réponse est dans son dernier et si lumineux ouvrage, Demeure.
Ça peut ne pas plaire, singulièrement aux technocrates qui redoutent de perdre leur influence et d’en finir, enfin, avec leur industrialisme saint-simonien. Autres victimes potentielles de la pensée de François-Xavier Bellamy, les communicants : il n’en a nul besoin. François-Xavier Bellamy, non seulement, exprime clairement sa pensée, mais il sait aussi, et d’abord, penser. Penser par lui-même et non débiter des fiches écrites par d’autres selon des schémas ingurgités pour réussir des concours.
Demeure part du constat élémentaire que le mouvement n’existe que par rapport à un point fixe. Que si mouvement de la société il y a, il faut toujours se poser la question de savoir s’il constitue un progrès. Se référant à Thomas Hobbes qui, dans l’émergence des théories scientifiques à la base de la future révolution industrielle, avait constaté que le mouvement, à lui seul, finirait par devenir un principe de survie, Bellamy nous fait toucher du doigt l’impératif vital de la stabilité. Les apprentis sorciers de la Silicon Valley qui prétendent inventer l’immortalité, se sont-ils seulement demandé si la fin de la mort ne signifiait pas, ontologiquement, la fin de toute vie ?
De même, le mouvement perpétuel ne conduit-il pas, immanquablement, à l’absurde ? Certainement, cet exemple, aujourd’hui d’une affligeante banalité, de l’obsolescence programmé n’est-il pas le comble de l’incohérence, entraînant par lui-même la négation du progrès ? Des siècles durant, constate Bellamy, on mettait le savoir au service du travail bien fait, des poutres de Notre-Dame qui durent plus de huit siècles. Aujourd’hui, on rémunère ingénieurs et techniciens pour mal fabriquer et éviter la durabilité des choses parce qu’il faut les remplacer, dans le même lancinant souci du mouvement. Ce pourrait être un détail, et c’en est un, à côté de l’effrayante volonté de détruire la barrière des sexes au nom du bon plaisir de quelques-uns mais, surtout, de l’obligation du mouvement. À tout prix. À n’importe quel prix.
Demeure, comme le foyer, comme cet impératif adressé à chacun pour que la civilisation résiste et progresse. Le progrès n’est pas le mouvement permanent et universel. On serait tenté, en fermant le livre de Bellamy, de revenir à cette acception du conservatisme selon Benjamin Disraëli : « conserver ce qui vaut, réformer ce qu’il faut ». Cette définition du conservatisme est aussi celle du progrès
Demeure, par François-Xavier Bellamy, chez Grasset. 19 €.
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