Nous reproduisons ici l’interview de Xavier Raufer et Gérald Pandelon paru le 17 août sur Atlantico
Après la multiplication du nombre de morts dans la métropole méditerranéenne, c’est désormais Grenoble que le Parquet de la ville décrit comme en proie à une « guerre des gangs intense »
Atlantico : « Une guerre des gangs intense, avec des fusillades quasi quotidiennes, sévit depuis quelques semaines dans l’agglomération grenobloise », selon les récentes déclarations du procureur de Grenoble Eric Vaillant. Comment expliquer cette Marseillisation de la France ? Quelle estla réalité de cette hausse de la délinquance et des règlements de comptes ? Toutes les grandes agglomérations etles villes moyennes sontelles touchées ? Est-ce directementlié au trafic de drogue quitransforme peu à peu la France en narco-Etat ? Xavier Raufer : Ouf ! « Démissionnaires » ! Mais la nocivité du précédent duo « sécuritaire », MM. Dupond-Moretti (justice) et Darmanin (Intérieur) perdure : justice misérable et épuisée… cinéma palliatif de fictives « Places nettes XXL » – ce qui empoisonnait hier la vie des Français ; plus largement, de ceux qui vivent en France, s’incruste et prolifère. À commencer par les guerres de gangs, Grenoble, certes, mais aussi autour de Lyon, à Nantes, Toulouse, en Île de France et dans les quartiers nord de Marseille. Le précité spectacle
n’était pas permanent : les ministres-touristes de Marseille et d’ailleurs, vite rentrés à leurs bureaux, la vie criminelle perdure. Et par pitié, qu’on nous épargne le pinaillage sur le comptage des morts des règlements de comptes : le milieu criminel n’est pas une fédération d’athlètes partis pour battre des records d’assassinats, en mode toujours plus ; simplement, des hors-la-loi, n’ayant que la corruption, l’intimidation et l’homicide pour conquérir, agrandir ou conserver leurs aires de prédation. Tout cela, surtout M. Macron regnante, dans l’indifférence totale de ce que les précités ministres peuvent faire et dire. Les tueurs de Marseille, Grenoble, Sevran ou ailleurs, sont sans doute peu imbus de culture confucéenne, mais au moins, ont-ils depuis longtemps intégré ce proverbe chinois : « Le mot chien ne mord pas ». Avant les Jeux Olympiques, la triade récemment chargée du régalien en France, les précités plus le président Macron, a pensé malin d’éparpiller en France des migrants submergeant la région parisienne, par petits paquets, sans nul moyen de subsistance, transformant ainsi cent villes moyennes en micro-93 ; tant il est vrai qu’en criminologie comme en physiquechimie, les mêmes causes produisent d’usage les mêmes effets.
Gérald Pandelon : Ce qui apparaît le plus inquiétant c’est que l’on puisse encore s’étonner de ce phénomène qui gangrène non pas uniquement les grandes villes (Paris, Lyon et Marseille) depuis 30 ans, mais qui affecte tout le cadre national. En effet, il n’existe plus de bourgs en France qui ne soient épargnés par le narcobanditisme, à telle enseigne que quasiment tous les jours nous assistons à un homicide en relation avec le trafic de stupéfiants, ou plutôt à un « narchomicide ». Ce ne sont d’ailleurs pas les acteurs qui sont en cause dans cette évolution (ou plutôt involution) délétère. Les policiers et parquetiers marseillais et lyonnais sont aujourd’hui des fonctionnaires de très grande qualité, même si les assassinats n’ont jamais été aussi élevés dans ces deux grandes villes, car en réalité la difficulté réside ailleurs. Elle a trait uniquement à la pusillanimité de notre offre politique, même s’il faut se réjouir que notre actuel ministre de l’intérieur démissionnaire se soit converti sur le tard au réalisme politico-pénal. En effet, nos acteurs politiques, à l’exception de ceux qui disent la vérité sur la juste mesure du phénomène, le RN et Reconquête, les autres acteurs politiques pêchent par lâcheté et individualisme, lorsqu’ils ne sont pas les alliés objectifs du narcobanditisme. Car le phénomène délinquantiel, à y regarder de près, fait le jeu de mouvements politiques comme LFI qui pourtant se présentent comme guidés par un humanisme et cosmopolitisme sans limites. En réalité, la multiplication des faits de nature criminelle conduit inévitablement des partis politiques pour lesquels le régalien est important, à soulever à juste titre, la double question de l’insécurité et de l’immigration. Du même coup et en réaction, LFI taxera de racistes ou islamophobes ces acteurs politiques-là, pourtant fort réalistes. Et, mécaniquement, les délinquants des cités voteront massivement pour cette formation d’extrême-gauche censée être la seule à les défendre et à les représenter. Il y a beaucoup de calcul et de cynisme dans l’instrumentalisation du vote musulman par LFI qui l’utilise comme un lumpenprolétariat électoral. Pourtant, lorsque l’on échange avec des français d’origine musulmane ou des étrangers de la même confession, très rares sont ceux à considérer les français comme racistes, bien au contraireils les estiment même parfois comme « trop tolérants ». C’est par conséquent LFI qui a tout intérêt à soulever comme un leitmotiv le caractère raciste de ceux qui réagissent normalement à des situations anormales pour manipuler, donc capter, le vote arabomusulman. C’est donc l’extrême-gauche qui fait reposer son action politique sur un volet identitaire alors même que ceux qui apparaissent paradoxalement comme des « identitaires », ne le sont pas. Bien davantage et contrairement à une idée communément admise, c’est davantage le vote RN qui fait baisser le racisme en France que LFI qui, lui, en a besoin, donc l’attise. Le RN fait, de son côté, systématiquement la différence entre les musulmans parfaitement bien intégrés et les voyous de l’islamo-banditisme. Ce faisant, en établissant une distinction claire intra-communautaire, il permet l’intégration des musulmans qui majoritairement ne soulèvent pas de difficultés dans notre pays. Les « racistes » identitaires sont davantage à aller chercher du côté des « différentialistes » que de celui des « préférentialistes », quant aux « universalistes », ils n’ont aucune idée sur le sujet. À une xénophilie exigeante, celle du RN, s’oppose une nouvelle forme d’antisémitisme philoislamiste qui se dissimule derrière les oripeaux d’un humanisme sans frontières.
Les moyens déployés par l’Etat etle pouvoir politique sont-ils suffisants pour lutter contre ce phénomène ? Le nombre de forces de l’ordre etl’arsenal judiciaire sont-ils adaptés face à l’ampleur des règlements de comptes et du trafic de drogue ?
Xavier Raufer : La France dispose (à la louche) de 150 000 policiers et 120 000 gendarmes ; les exactions qui pourrissent la vie des Français adviennent à plus de 80% dans la zone sous contrôle de la police nationale, sur quelque 5% du territoire français ; dans la « zone gendarmerie » (95% du territoire) les infractions de voie publique concernent surtout les quartiers et cités hors-contrôle, micro-territoires que les gendarmes, dans la discrétion, connaissent bien. Ajoutons que : – même dans les départements criminalisés, les noyaux durs des gangs ne dépassent pas quelques dizaines de « criminels d’habitude », les caïds, leurs lieutenants et proches et que, – partout en France dans la zone police, les BAC savent par cœur, jusqu’à l’écœurement, les noms et pedigrees des précités, qu’ils ont chacun (platoniquement hélas) arrêté cent fois et plus (« Encore toi, Momo ??! ») Ainsi, pas besoin de Gengis Khan, du Guépéou ou de Sherlock Holmes pour rétablir l’ordre dans ce pays. Donnons même la recette aux successeurs de l’inepte duo ci-dessus évoqué : dans les quelque vingt-cinq ou trente départements où advient l’essentiel de ces crimes et trafics, demander au préfet la liste des criminels d’habitude ; celle-ci obtenue, la confier à un Garde des Sceaux un peu sérieux, pour application de la loi (telle qu’elle est, sans y changer un iota). Mais que pourrait-il alors faire d’efficace ? Voir ci-après.
Gérald Pandelon : Nous disposons d’un arsenal juridique suffisant pour enrayer le phénomène tout comme des forces de l’ordre de grande valeur. La difficulté réside dans le fait que les peines les plus dures concernant les délinquants multirécidivistes ne sont jamais prononcées. En effet, toutes choses égales par ailleurs, les sanctions pénales sont relativement clémentes envers des voyous chevronnés et particulièrement sévères pour des honnêtes citoyens qui disposent d’un statut et qui auraient commis la moindre faute non intentionnelle. Pour le dire autrement, c’est un euphémisme que de constater que la présomption d’innocence n’est pas un principe qui a vocation à leur être appliqué… Notre justice est une justice de classe, et cette tendance ne fait que s’accentuer, il n’y a qu’à constater pour s’en convaincre qu’un syndicat de la magistrature ne rechigne pas à aller soutenir un candidat politique d’extrême-gauche en toute impunité, au mépris pourtant des règles de neutralité devant présider à ses fonctions. Même l’actuel Garde des Sceaux a pu s’émouvoir de cette situation, preuve, si besoin était, qu’il ne faut jamais désespérer, même de personnages politiques fort enclins à la soumission et à la trahison. Pourtant, des sanctions existent et sont prononcées lorsque les juridictions font preuve de justice et de fermeté, comme au mois de février dernier devant le tribunal judiciaire de Marseille où 3 représentants du narcobanditisme se sont vus infliger des peines de 10 années d’emprisonnement. C’est le courage qui doit l’emporter sur la lâcheté, le « thumos » des Grecs, c’est de cette vertu dont nous avons un urgent besoin et non d’une lâcheté qui, en définitive, confine à la complicité et à la trahison.
Quels seraientles leviers à actionner ou les mesures et réformes à mettre en place pour lutter efficacement contre la Marseillisation de la France et pour réellement endiguer les fusillades etles règlements de comptes dans le cadre du trafic de stupéfiants ? (L’exemple marseillais sert-il aux autres juridictions pour être plus efficace contre la délinquance).
Xavier Raufer : Inouï ! Magique ! De l’avis des concernés, commissaires de police, officiers de gendarmerie, magistrats de terrain, il faudrait et suffirait d’appliquer aux « criminels d’habitude » le présent Code pénal, en l’état – sauf à alléger sa procédure paralysante et idiote – pour ramener, en quelques mois, la criminalité de voie publique sous le seuil de l’insupportable. Les commissaires, officiers de police et de gendarmerie ; les magistrats dans leur grande majorité, n’attendent même que ça. Donnons à notre Justice ces moyens qui lui font si cruellement défaut ; accordons aux forces de l’ordre du terrain cette présomption d’innocence opérationnelle, gage de l’admiration et de la confiance du peuple français – puis rétablissons la sécurité, avec pour seule boussole la sauvegarde des victimes du crime. La feuille de route ? Sanglant satrape stalinien, mais grand seigneur de la guerre, Mao a dit ça très bien : « Oser lutter, oser vaincre » !
Gérald Pandelon : Il faudrait que la justice soit juste et humaine avec les personnes qui le méritent vraiment et ferme avec ceux qui ne le méritent plus car ils sont multirécidivistes et, bien souvent, en rien désireux d’en finir avec leur parcours délinquantiel. Je crains pourtant que nous assistions à une évolution contraire : beaucoup de fermeté à l’encontre de primodélinquants qui attestent d’un statut enviable (élus, policiers, avocats, chefs d’entreprises) et une relative indulgence à l’endroit de délinquants d’habitude. Et lorsque vous commettez en tant qu’avocat la moindre faute non intentionnelle qui relève à l’évidence d’une difficulté déontologique et nullement d’une infraction pénale, vous vous faites accabler, vous êtes « coupable car vous ne pouvez pas ignorer le droit en tant que praticien », vous assènera inconditionnellement le moindre parquetier qui pourtant n’aura pas eu le temps matériel de lire de façon approfondie le dossier. Ce magistrat objectivera sa subjectivité en se dissimulant derrière les armes du droit pour masquer son idéologie au détriment de la quête de vérité. Une recherche de la vérité qui est donc secondaire pendant que l’accusation constituera un réflexe mental premier. En revanche, lorsque votre casier judiciaire portera trace de 24 condamnations alors que vous n’êtes âgé que de 30 ans, vous pourrez vous en sortir avec un contrôle judiciaire si vous êtes présenté devant un magistrat instructeur ou avec une condamnation aménageable si vous êtes jugé sur le fond. Je crois que s’agissant des non-délinquants, il devrait exister une première réunion entre un responsable du parquet et un représentant de la profession du mis en cause afin d’examiner au préalable le dossier avant de décider de sa judiciarisation ou non. Or, concernant ce personnel pénal au profil pourtant très lisse c’est d’emblée le même traitement qui leur est réservé, à savoir une garde à vue immédiate ou dans le meilleur des cas une audition libre. Mettre sur un pied d’égalité des personnes qui ne sont en rien égales sur un plan pénal c’est vouloir flatter un gauchisme pénal croissant dans notre pays, au détriment de la vérité et in fine de la justice.
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