Le chiffre 2 suivi de douze zéros, c’est le moyen le plus spectaculaire trouvé par nos médias pour illustrer le niveau atteint par la dette de la France exprimée en euros.
Ce nombre impressionnant est souvent accompagné de commentaires destinés à frapper l’opinion – ce qui n’est pas une mauvaise chose – mais qui mérite explications.
On nous dit par exemple que cette dette devra être remboursée par nos enfants. C’est à la fois vrai et faux. Vrai parce que les sommes empruntées hier et aujourd’hui par l’État devront être remboursées à l’échéance. Faux parce que les sommes remboursées seront immédiatement remplacées par un nouvel emprunt. Une situation qui, tant que nous arrivons à garder la confiance des agences de notation, nous est actuellement favorable en raison de taux d’intérêt très faibles. C’est un peu comme une famille qui, ayant emprunté une somme importante pour acquérir sa maison, renégocierait son emprunt à des taux inférieurs à ceux du contrat d’origine. Pas facile sans doute, mais au niveau de l’État, tout devient possible tant que les prêteurs gardent confiance en notre capacité de rembourser. C’est toute la différence entre la micro-économie et la macro-économie. La micro-économie étudie la petite échelle. Elle s’attache donc plus à l’offre et la demande, ainsi qu’aux décisions des PME, comme les quantités à produire pour un bien et le tarif à lui fixer. La macro-économie, elle, s’attache à l’étude de l’économie à plus grande échelle. Son champ d’étude est l’économie nationale dans son ensemble.
Faut-il pour autant que la France continue de dépenser sans compter ? Certainement pas ! Sans être trop technique, il existe une formule qui permet de déterminer si notre dette nationale est stabilisée ou atteint un niveau dangereux pour la France, ce qui ébranlerait la confiance qu’ont les marchés financiers en notre pays.
Cette formule prend en compte le taux d’intérêt moyen de notre dette, environ 2,5% actuellement et qui ne devrait pas augmenter, voire même très lentement diminuer si nous pouvons continuer à emprunter à des taux plus bas. Mais, pour cela, il faut justement conserver la confiance des marchés financiers. On tourne en rond.
L’autre facteur important est le taux de croissance de l’économie (PIB). Il est actuellement très faible et les prévisions pour 2015 ne dépassent pas 0,5%. C’est pourquoi Manuel Valls était récemment en visite en Allemagne afin de convaincre nos voisins de contribuer à la relance de l’économie de la zone euro. Il s’est vu répondre par Angela Merkel que « une croissance durable n’est possible qu’avec un budget sain ». Or, en demandant un nouveau report à 2017 de l’objectif de déficit public de 3%, le moins que l’on puisse dire est que la France entretient les inquiétudes de la Chancelière pour qui l’économie européenne repose essentiellement sur la crédibilité de règles communes que la France ne cesse d’enfreindre.
Le dernier facteur est le taux d’endettement par rapport à notre PIB. Il a dépassé les 95% et ne montre aucun signe de stabilisation. Là encore les médias jouent à nous faire peur en projetant une dette publique atteignant un autre chiffre magique : 100% du PIB en 2015. Bien entendu, souligner que notre dette aura alors dépassé la totalité de la richesse créée par la France pendant une année entière impressionne le public. Pourtant ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel est d’arrêter l’hémorragie due à une politique socialiste qui, quoi que disent nos dirigeants, ne s’attaque pas vraiment à la dépense publique.
Pour expliquer aux Français ce qu’il faudrait faire, les médias n’hésitent pas à comparer la gestion de l’État à celle d’une famille qui ne devrait pas dépenser plus qu’elle ne gagne. Ce n’est pas faux mais rappelons quand même que ce sont souvent les familles aux confortables revenus qui empruntent le plus. Notons aussi que, d’une part, elles empruntent surtout pour se constituer un patrimoine et que, d’autre part, les banques leur prêtent volontiers justement parce qu’elles ont un patrimoine.
Au niveau d’un pays, le patrimoine n’a pas la même importance relative. Ce fut jadis le cas, lorsque que les monnaies nationales étaient garanties par les réserves d’or des pays concernés. Il n’en est plus ainsi depuis les années 70 et surtout depuis les accords de la Jamaïque des 7 et 8 janvier 1976. La France possède un patrimoine remarquable mais dont la valeur, difficilement chiffrable, est surtout très peu transformable en liquidités. Ce qui peut l’être appartient pour la plus grande part au domaine privé; si bien que lorsqu’un Russe, un Chinois, un Saoudien ou un Qatari achète un palace niçois ou parisien, ou encore un de nos prestigieux vignobles, même si cela nous fait regretter que de tels joyaux tombent entre des mains étrangères, cela ne fait entrer dans les caisses de l’État que les taxes applicables à la transaction. Le jour où le Palais de Versailles et la Tour Eiffel seront mis aux enchères, nous aurons vraiment atteint le fond du gouffre !
Enfin, un moyen efficace de rappeler aux Français la dure réalité de leurs finances consiste en l’affichage, facilement accessible par Internet, d’un compteur tournant inexorablement, nous rappelant la dette du pays et sa constante augmentation. Voir ce compteur afficher un taux de progression de 2800 euros par seconde a de quoi impressionner la famille française moyenne dont les revenus mensuels ont du mal à atteindre un tel niveau.
J’ajoute, pour conclure, que nous n’avons parlé que de la dette de la France envers les marchés financiers. Il existe une dette de l’État aussi importante liée à notre système de financement des retraites – essentiellement par répartition – qui n’est rien d’autre qu’une dette contractée par l’État envers les retraités de demain alors qu’il encaisse les cotisations d’aujourd’hui.
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