Les médias ont pour habitude de classer les Français en deux catégories : les pro et les anti européens. En réalité, que nous le voulions ou non, nous sommes tous européens.
Européens de souche mais surtout de civilisation. Or, cette civilisation est en danger et il n’est pas un seul pays capable à lui seul de la sauver. L’union n’est pas une option; c’est une question de vie ou de mort.
La seule chose qui peut nous diviser, est de savoir si cette union doit être plus ou moins profonde et prendre la forme d’une union commerciale, financière ou éventuellement politique.
Une union commerciale ne serait qu’une zone de libre échange comme il en existe plusieurs à travers le monde. C’est l’Europe à la britannique, celle qui permet aux pays signataires d’échanger entre eux des marchandises sans acquitter de droits de douane. Il n’est alors pas nécessaire de former une zone englobant de nombreux pays. Des accords bilatéraux peuvent très bien faire l’affaire; mais quels en sont les bénéfices ? En réalité ils sont assez minces car les signataires s’aperçoivent très vite que les droits de douanes ne sont qu’une infime partie des barrières que chaque pays peut ériger pour se protéger contre les importations venant de pays voisins. Les taxes, les règlements sanitaires, écologiques ou sécuritaires sont d’autres moyens plus insidieux mais plus efficaces encore. D’autre part, les niveaux de salaires et les prestations sociales qui gonflent les prix de revient rendent souvent difficile pour un pays de rester compétitif avec ses voisins. Ce handicap peut être temporairement effacé par une dévaluation de la monnaie nationale. Un sport que la France a plus ou moins efficacement pratiqué dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale.
De ces constatations sont venues les idées d’une commission européenne chargée de rétablir un certain équilibre réglementaire grâce à des directives, suivi par la création d’une monnaie unique qui ne permettrait plus à un pays de dévaluer sa monnaie afin d’effacer les stigmates de sa mauvaise gestion. Malheureusement ces idées, aussi géniales soient-elles, se sont très vite heurtées à la dure réalité et au constat que l’Europe avait sans doute mis la charrue avant les bœufs.
En premier lieu, la commission européenne n’est pas un gouvernement fédéral. Les décisions importantes ne peuvent être prises qu’à l’unanimité des chefs d’états des pays membres, ce qui signifie que le plus petit pays peut à lui seul bloquer certains projets, même si cruciaux pour l’ensemble. Il en est résulté que les organismes bruxellois passent leur temps à rédiger des textes de moindre intérêt, comme pour rendre les WC européens écologiques ou pour déterminer la dimension des tomates. Un retour sur investissement nul et même totalement négatif si l’on considère les dépenses que les pays membres doivent effectuer pour essayer, tant bien que mal, de mettre en œuvre les directives reçues de Bruxelles.
La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) reste un cas particulier. Dans ce domaine, le processus de décision reste largement intergouvernemental et le vote à l’unanimité est le mode quasi exclusif de décision. En pratique, les décisions sont prises par consensus et les votes sont exceptionnels.
C’est le Conseil européen (donc les chefs d’État et de gouvernement, organe collégial composé du Premier ministre des ministres et des secrétaires d’Etat chargé de l’exécution des lois et de la direction de la politique nationale.), qui détermine les objectifs stratégiques de l’UE. Le droit d’initiative revient aux États membres et au haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. Le Conseil vote dans la quasi-totalité des cas à l’unanimité. Le Parlement européen, quant à lui, est informé, parfois consulté, sur les choix fondamentaux.
Le problème, c’est qu’une politique étrangère et de sécurité, pour être efficace, doit s’appuyer sur un système de défense, militaire mais aussi diplomatique et du renseignement. Seules la France et la Grande-Bretagne possèdent un dispositif crédible dans ces domaines. L’Allemagne elle-même, dont la puissance économique domine l’Europe, ne peut, pour des raisons historiques, jouer le moindre rôle dans ces domaines essentiels. Ceci étant établi, il est facile de comprendre que les deux seuls pays capables d’agir au plan international n’aient nulle envie de partager leurs informations. La crise aidant, leur capacité d’action va en diminuant, ce qui les incite parfois à chercher de l’aide matérielle auprès des autres membres de l’Union Européenne, essuyant le plus souvent une fin de non-recevoir. Il est clair que seule une véritable armée européenne, soutenue par une Centrale d’Intelligence Européenne, permettrait à l’Europe de peser en tant que telle sur les affaires du monde. Mais en même temps, cela ne pourrait se faire dans une UE de 28 membres, sauf si nous en faisions une fédération à l’américaine, dans laquelle ces prérogatives seraient réservées à un état fédéral très puissant.
Rappelons alors que l’état fédéral américain a pris plusieurs siècles à se construire, depuis la déclaration d’indépendance en 1776 et malgré une guerre de sécession dont certaines traces subsistent encore de nos jours. Autant dire que nous ne sommes pas à la veille d’une telle solution pour le vieux continent.
Alors que faire ? De toute évidence, reprendre tout à zéro avec une Union Européenne réduite à une dizaine de pays, au grand maximum. Une monnaie unique que pourraient conserver les autres pays, mais sans le soutien de la Banque Centrale Européenne. L’euro grec pourrait alors fluctuer par rapport à l’euro de la BCE, comme le dollar canadien fluctue par rapport au dollar américain. Des accords commerciaux bilatéraux resteraient possibles.
Deux préalables essentiels subsistent pour faire de ce noyau dur une véritable union, capable de jouer un rôle international significatif : l’Allemagne devra s’affranchir des contraintes héritées de la deuxième guerre mondiale et la Grande Bretagne choisir entre le continent et le grand large.
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