Par Gérald PANDELON, avocat et universitaire, membre du bureau de La Droite Libre
La justice pénale fonctionne, en France, de façon paradoxale. Elle est volontiers laxiste lorsqu’il s’agit de mineurs délinquants multi-récidivistes et peut s’avérer en revanche particulièrement sévère à l’encontre d’un élu dont le casier judiciaire ne porterait trace d’aucune condamnation ; elle est clémente lorsque des policiers se font agresser voire, en raison de l’idéologie politique de certains magistrats, presque plus indulgente à l’endroit du voyou agresseur qu’envers le policier qui aura riposté en légitime défense.
Bien davantage, elle est très sévère voire impitoyable lorsqu’un professionnel du droit commet la moindre faute non intentionnelle car le concernant la présomption d’innocence n’existera pas (« en tant que juriste, il ne pouvait pas ne pas savoir » constitue le credo de tout magistrat du parquet et de tout juge ‘instruction, alors que cette assertion est en réalité très majoritairement erronée) ; elle est très laxiste lorsqu’il s’agira, en revanche, de poursuivre pénalement un collègue magistrat, même si ce haut fonctionnaire se sera rendu coupable d’une faute grave et donc intentionnelle.
Par conséquent, une justice pénale très sévère lorsque parfois les délits présumés ne portent nullement atteinte à l’ordre public et relèvent de fautes involontaires ; en revanche, empreinte d’empathie à l’endroit d’incivilités qui empoisonnent pourtant le quotidien des honnêtes citoyens.
Idéologie
Elle est en fait trop imprégnée d’idéologie, par conséquent ne peut faire montre d’une réelle objectivité ni impartialité. Notre justice est incapable de se soumettre au principe wébérien de « neutralité axiologique », c’est dire de faire abstraction de ses valeurs, de ses pensées, dans l’acte de juger. On retrouve en effet toujours la même dimension idéologique dans l’acte de juger car, sur un plan symbolique, pour certains magistrats d’obédience socialiste, le délinquant demeure une victime même si son casier judiciaire porte trace de multiples condamnations alors que le « Bourgeois Gentilhomme » est nécessairement auteur, auteur d’infraction, car il a nécessairement « dû voler le pauvre pour en arriver là » ; auteur d’être, en définitive, trop bien né.
Si le délinquant « non bourgeois »peut être responsable mais non coupable, le « non-délinquant bourgeois » est nécessairement coupable car nécessairement responsable de ses actes, il ne sera donc pas, lui, accessible au pardon.
Et lorsqu’un juge d’instruction aura la conviction que cette personne n’a rien à se reprocher, elle le poursuivra quand même car « il faut bien qu’on puisse enquêter ».
Or, pareil raisonnement ne sera jamais conduit s’agissant d’une personne en apparence impécunieuse. C’est cette puissante idéologie qui fausse pourtant tout jugement éclairé en ne faisant que rarement preuve de discernement et en rendant possible, voire en favorisant, qu’invariablement la délinquance ne fasse qu’augmenter.
Mauvaise foi
En réalité, et de façon plus précise encore, si les magistrats ne sont pas tous doués et clairvoyants dans leurs analyses, en partie en raison de la spécificité de leur cursus qui ne permet qu’imparfaitement de compléter une formation de très haut niveau dispensée au sein de l’école nationale de la magistrature (ENM), les juges peuvent s’avérer de mauvaise foi, même s’ils ne sont que très rarement ouvertement malhonnêtes.
En outre, l’acte de juger est d’une certaine manière inter-contrôlé, même si, en pratique, il ne s’exerce que rarement, si l’on admet que la quasi-totalité des appels formés par les avocats à l’encontre d’ordonnances rendues par les juges d’instruction et juges des libertés et de la détention dans le cadre du contentieux de la détention sont confirmés par les chambres l’instruction (3 % de taux d’infirmation).
C’est par conséquent davantage leur idéologie qui risque de les entraîner à être parfois, notamment en matière de délinquance financière, un peu plus sévères avec des personnes considérées à tort ou à raison comme disposant d’un capital économique élevé qu’envers ceux qui affichent un train de vie moins envieux, qu’en vertu d’une malhonnêteté intrinsèque du juge.
La plupart des avocats savent, en effet, que pour un même dossier, selon que le magistrat est un homme réputé être intelligent et juste ou un autre magistrat en bénéficiant moins, la décision peut s’avérer fort différente. Le juge pourra également penser davantage à sa carrière (c’est dire deux fois par an aux fameuses « transparences ») qu’au sort des justiciables, sauf si ce dernier dispose d’un profil médiatiquement connu ; alors, curieusement, le même magistrat pourra faire montre d’un zèle particulier dans la façon dont il pourra instruire l’affaire. En effet, être à l’origine de la condamnation de monsieur X, président connu, sera infiniment plus porteur en termes de déroulement de carrière pour le magistrat qui en aura été à l’origine que de faire condamner l’épicier de son quartier.
Échecs
A cette attitude, dont il convient d’avoir le courage de dire qu’elle existe assez fréquemment en matière financière, doit se rajouter le rôle insidieux de la presse, des politiques, premiers responsables des dysfonctionnements de la justice pénale. Les acteurs politiques exerçant des responsabilités de premier plan expliquant, de façon quasiment systématique, que leurs résultats en termes de baisse de la délinquance est remarquable alors qu’à l’épreuve des faits, on assiste depuis 20 ans à une hausse continue des incivilités.
C’est ainsi qu’en matière de lutte contre les stupéfiants, après avoir nettement baissé en 2020, le nombre de mis en cause augmente fortement en 2021 : +38 % pour usage dans un contexte de mise en place des amendes forfaitaires délictuelles et +13 % pour trafic.
De la même manière que notre pays enregistre toujours de fortes hausses observées des coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus, dans ou en dehors du cadre familial, en outre des violences sexuelles et des escroqueries se retrouvent sur la quasi-totalité des régions ou départements. Qu’au surplus, les vols et cambriolages dépassant les 20 % voire 50 % sont à la hausse. Certains départements se démarquant en 2021, comme le Rhône, dont les augmentations contribuent fortement aux évolutions nationales pour les vols sans violence contre des personnes, les vols de véhicules, d’accessoires et dans les véhicules, et les vols violents sans arme.
Or, en dépit de cette hausse de la délinquance tout se passe comme si depuis des décennies les principaux gouvernants avaient donné le sentiment de se préoccuper de la situation sans jamais changer toutefois de grille de lecture ; que par conséquent, en l’absence d’autocritique les choses s’étaient inexorablement aggravées.
Et, que sur le fondement de cet échec objectif cuisant, nos gouvernants, tous bords politiques confondus, n’avaient jamais eu la présence d’esprit ni le courage de reconsidérer leur philosophie pénale en termes de changement de paradigme, par conséquent de transformation de l’idéologie pénale.
Tout se passe comme si la réalité n’avait aucune prise sur les idées, comme si le réel était insusceptible de conduire à la moindre remise en compte de nos décideurs publics en ce qui concerne le phénomène délinquantiel ; comme si l’accroissement des incivilités ne pouvait que relever d’un impensé du politique.
Au fond, est-ce à dire, comme le pensait le philosophe Descartes, que les idées adéquates, au sens d’idées entièrement et parfaitement conformes à ce que sont les choses et leurs propriétés doivent résolument s’inscrire hors de notre pensée ?
Fonctionnement de l’institution judiciaire
En effet, lorsque les questions pénales sont soulevées cela concerne bien souvent des problématiques qui sont soit déjà prévues dans les textes, soit qui intéressent somme toute peu les Français. Prenons l’exemple de la question de la durée des enquêtes préliminaires. L’objectif, louable sur le principe, est de raccourcir ces procédures ; en pratique, l’économie générale du dispositif va contribuer progressivement à les allonger mais sous une autre forme.
En matière économique et financière notamment, l’effet de substitution entre, d’une part, l’information judiciaire et l’enquête préliminaire est susceptible d’être plus important que dans le contentieux généraliste (plus de dossiers seront ouverts à l’instruction spécialisée à la suite de la limitation de la durée des enquêtes préliminaires).
D’autre part, l’effet de saturation sera accru (les dossiers techniques seront distribués sur un nombre plus restreint de cabinets d’instruction spécialisés). Enfin, l’augmentation de la durée globale des procédures sera également encore plus significative, à supposer, bien sûr, que le système parvienne à supporter une telle montée en charge, ce qui, au vu des hypothèses de travail chiffrées, n’est pas certain.
Dès lors, il est possible de douter que dans les conditions actuelles de fonctionnement de l’institution judiciaire, l’exigence de rationalité devant présider à l’élaboration de la loi soit pleinement satisfaite. Au vu de l’insuffisance des informations quantitatives – pour ne rien dire de leur exploitation par les parties prenantes de l’œuvre législative –, et s’agissant des éventuelles conséquences de la réforme sur l’ensemble de la chaîne pénale, conclure au respect de l’objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice serait audacieux.
Trompe l’œil
Dès lors, il s’agit d’un renforcement en trompe l’oeil de l’encadrement de la durée des enquêtes préliminaires.
En effet, conformément à la promesse lancée par Éric Dupond-Moretti lors de sa nomination place Vendôme, annonçant sa volonté de faire en sorte que « les enquêtes préliminaires restent préliminaires », le nouvel article 75-3 du code de procédure pénale limite désormais la durée de celles-ci à deux années « à compter du premier acte de l’enquête, y compris si celui-ci est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance ».
Ce délai pourra toutefois faire l’objet d’une prolongation d’une année supplémentaire, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, versée à la procédure. La sanction de ce délai s’annonce stricte puisque « tout acte » qui viendrait à intervenir « après l’expiration » du délai serait « nul ». Consécration d’un encadrement attendu de longue date, la portée de cette disposition est toutefois considérablement affaiblie par plusieurs aménagements et dérogations. D’abord, en vertu de l’article 59 de la loi promulguée, le nouvel article 75-3 n’est applicable qu’aux enquêtes commencées à compter de la publication de la loi, c’est-à-dire le 24 décembre 2021.
Toute procédure ouverte antérieurement restera donc régie par la loi antérieure et, par conséquent, dépourvue de limite de durée. Ensuite, la nouvelle disposition prévoit également que, s’agissant des crimes et délits prévus aux articles 706-73 et 706-73-1 (crimes et délits commis bande organisée), et des crimes et délits relevant de la compétence du procureur national antiterroriste (PNAT), la durée maximale de l’enquête préliminaire est portée de deux à trois ans, une prorogation étant possible selon les mêmes formalités qu’en matière de droit commun (décision écrite, motivée et versée au dossier), mais pour une période non pas d’une mais de deux années supplémentaires. En d’autres termes, les enquêtes préliminaires pourront donc durer jusqu’à cinq années lorsqu’elles portent sur les infractions les plus graves.
On ne pourra que regretter une telle dérogation, a fortiori en matière criminelle : si, en vertu du principe de l’opportunité des poursuites, le ministère public reste libre de décider du moment où il requiert l’ouverture d’une information judiciaire, l’article 79 du code de procédure pénale rend néanmoins obligatoire le recours à une instruction préparatoire en matière de crime. Il est donc difficilement compréhensible que le nouveau texte entérine la validité d’une enquête préliminaire de cinq années portant sur des faits de nature criminelle. Autre assouplissement du dispositif, lorsqu’une enquête ayant fait l’objet d’un classement sans suite fera l’objet d’une réouverture sur décision du procureur de la République, le délai pendant lequel elle a été interrompue ne sera pas pris en compte.
De même, lorsqu’une entraide judiciaire internationale sera mise en œuvre, le délai sera également suspendu entre la date, non pas de la transmission, mais de la signature de la demande d’entraide par le parquet français et la réception des pièces d’exécution. Une telle dérogation n’est pas anodine : rien n’empêchera les enquêteurs français, pendant l’exécution de la demande d’entraide internationale, de procéder à d’autres actes dans l’attente du retour de cette demande, laquelle peut parfois être particulièrement longue à obtenir, certains États se montrant peu coopératifs en la matière… Cette dérogation aura donc pour effet d’amenuiser considérablement la portée du principe posé par le nouvel article 75-3, a fortiori en matière d’infractions terroristes ou commises en bande organisée pour lesquelles des délais dérogatoires s’appliqueront déjà, comme évoqué précédemment. Cette double atténuation du principe est d’autant plus discutable que, aux termes du rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale, l’allongement des délais pour les infractions relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée et du terrorisme était notamment motivé par le fait que ces affaires « peuvent comporter un volet international » (rapport de l’Ass. nat., p. 55). On voit mal, dès lors, quel était le besoin d’ajouter cette entorse relative au délai d’exécution de la demande d’entraide judiciaire.
Éric Dupond-Moretti dans une situation intenable
En fait, si la question de la réponse pénale n’a pas constitué, loin s’en faut, l’agenda prioritaire de notre actuel ministre de la justice c’est sans doute aussi parce que notre Garde des Sceaux se retrouvait en pure logique dans une situation intenable. Comment pouvait-il, sans se déjuger, faire montre de sévérité dans la réponse pénale à apporter aux actes délinquantiels alors qu’au cours de sa carrière cet avocat avait fait de la défense des voyous sa priorité ? Comment pouvait-il appeler désormais à un strict maintien de l’ordre public alors qu’il avait prêté son concours à la défense des terroristes les plus sanguinaires ?
Comment pouvait-il soutenir avec la dernière énergie une présomption de légitime défense des fonctionnaires de police en tant que ministre de la justice alors qu’avocat il avait sans relâche décrié les bavures policières ?
Comment, lui, a-t-il pu être nommé ministre de la justice alors qu’il avait malmené durant plus de quarante ans dans les prétoires les magistrats, fussent-ils du siège ou du parquet ?
Sa position ne pouvait relever que d’une antinomie structurelle au sens kantien. Et, à y regarder de près, notre Garde des Sceaux aura été davantage victime qu’auteur de cette désignation, il fut victime de celui qui l’avait fait roi.
Car, plus fondamentalement et d’abord, sur un plan politique, il semblerait que nous inaugurions une ère nouvelle, celle de l’irresponsabilité assumée car, à y regarder de près, ce sont nos décideurs publics, élus, ministres, qui sont à l’origine de propositions ou de projets de lois qui n’améliorent en rien notre justice pénale ; nos magistrats, sur un plan constitutionnel, ne faisant que les appliquer.
Or, sur ce point, force est d’admettre que le rôle de nos élites, fussent-elles politiques ou professionnelles (les journalistes et même parfois les avocats) contribuent à la déliquescence de l’organisation sociale du pays. Les journalistes, de leur côté, offrant volontiers des tribunes volontairement complaisantes, donc erronées, d’affaires relevant pourtant d’une grande technicité et qui, loin s’en faut, ne sauraient laisser émerger une réelle part de vérité dans la simple rédaction d’un article souvent mal renseigné ou traduire, dans les médias, une quelconque forme de sincérité ou d’authenticité, surtout si l’ information judiciaire n’a été ouverte que depuis peu de temps, offrant ainsi au public une vision nécessairement, l fallacieuse des affaires politico-financières. En effet, qui peut réellement prétendre connaître les dessous des dossiers les plus sensibles, lorsque les magistrats eux-mêmes n’en arrivent à déceler les contours ?
Comment un journaliste, par définition non spécialiste en matière juridique, pourrait-il s’improviser comme le censeur ultime de faits souvent d’une grande complexité ? Il n’en demeure pas moins que l’action médiatique aura fait son oeuvre, souvent malveillante, alors même que la personne soupçonnée aura pu bénéficier ultérieurement d’un non-lieu. Toutefois, le mal aura été fait et il sera quasiment impossible pour cet innocent de faire effacer sur internet ou ailleurs le dommage qui lui aura été occasionné, car si le mal s’oublie que très rarement, la vérité, quant à elle, s’efface d’un trait de plume. En effet, pour les personnes exposées médiatiquement qui bénéficient de décisions de classements sans suite ou de non-lieu, le droit à l’oubli n’existe pas.
La même critique pourra être formulée à l’encontre de certains avocats qui, pour des raisons essentiellement pécuniaires, pourront vouloir intentionnellement exagérer des affaires dans lesquelles ils interviennent comme parties civiles, pour en escompter tactiquement un intérêt accru de la part des médias les plus importants. En réalité, cet avocat se moquera de la vérité judiciaire pour uniquement volontairement « enflammer des affaires » qui, sans sa stratégie personnelle, eussent demeurées totalement inconnues.
Pour des motifs alimentaires, il pourra volontairement porter un préjudice non seulement à une personne dont le dossier pénal démontrera qu’elle était étrangère aux faits reprochés, mais également à la bonne administration de la justice pénale. Il existe donc parfois une semblable dynamique qui, pour être juteuse sur un plan professionnel, ne se préoccupe que rarement de la question pourtant primordiale de la vérité, ni, par conséquent, de celle de la justice.
Enfin, sur un plan philosophique et face à l’accumulation grandissante de faits d’une particulière gravité voire d’actes de pure sauvagerie, n’assiste-t-on pas, aujourd’hui, à une forme de barbarie intérieure ou à un immonde moderne au nom d’un « tout-progressisme » ou d’un « tout-culturel » ? Pourtant, si tout est culturel, plus rien ne l’est. On appauvrit la culture en lui supprimant tout fondement. «Culture» est un mot inventé par Cicéron. Il désigne le travail de l’âme sur elle-même par lequel l’homme conteste la stérilité originelle de la pensée. La culture fait pousser des fruits dans le désert initial car la pensée est oasis. Dans la notion de culture il y a aussi l’idée de culte rendu à soi. Mieux : de soin de soi. Le soin de son âme. Pourtant, à l’heure des décapitations d’enfants, des trépanations de prêtres, du terrorisme aveugle, d’assassinats quotidiens, de viols ou tentatives banalisés car trop fréquents, ce à quoi nous assistons en réalité est l’émergence définitive de l’immonde, c’est dire la déréalisation totale et donc barbare du monde.
Etymologiquement c’est « ce qui ne peut pas faire monde », selon l’expression du philosophe Jean-François Mattéi, et extensivement, ce qui ne peut pas faire communauté. L’immonde, ce n’est pas le dégoûtant, c’est la non-forme. La modernité n’a en effet pas tenu ses promesses de construire un monde commun. Elle les a même bafouées. Le développement anarchique du sujet a signé la faillite en définitive de l’universel. A l’universalité, on préfère désormais aujourd’hui la singularité, même si elle est le cache-sexe de la barbarie.
Pourtant, certains acteurs politiques, aveuglés par leur idéologie qui fonctionne comme un discours-écran entre leur intellect et les faits à observer, préfèrent avoir tort avec leurs propres grilles de lectures que de donner raison à ceux qui inspirent une pensée alternative, pourtant la seule, sur ces sujets, à être en adéquation avec la réalité vécue par des millions de français. Arborant le relativisme en blason et prônant la repentance comme horizon indépassable, la pensée dominante refuse en définitive d’assumer l’identité de sa culture au motif que toute identité constituerait une menace. Car face à l’atrocité de crimes commis et rarement réprimés à la hauteur de leur gravité, comment, en pareilles circonstances, « faire le deuil » ? Cette expression qui, à l’épreuve des faits, constitue une expression vide de sens. Sa finalité est d’exhorter à l’oubli, à la nécessité d’oublier l’inoubliable, pardonner l’impardonnable. Elle s’adresse, in fine, à des non-humains.
Pourtant, ce qui constitue la part d’humanité comprise en théorie en chaque homme réside en sa sensibilité, sa souffrance, son incapacité à surmonter l’insurmontable. D’ailleurs, c’est précisément parce que les épreuves sont parfois trop dures que la réponse se traduira par une médicalisation de cette nécessité d’oubli, les psychiatres prescrivant des anti-dépresseurs puissants permettant à l’homme de sortir de lui-même, de s’oublier, dans une position d’extériorité à soi, extatique.
A l’épreuve des faits, ce travail de deuil est pourtant une ineptie pour celui qui ne reverra jamais son enfant, l’être aimé ; un non-sens, du sang écoulé au fond sans transfusion de sens, l’absurdité d’un monde, celle que traduit l’incipit de Camus, reposant sur une antinomie structurelle, à savoir la nécessaire souffrance devant s’infliger volontairement (le « travail » de deuil) l’ascendant ou descendant du défunt pour occulter une autre souffrance (la perte définitive d’un être cher). Car, en réalité, dans cette folie ou cette nuit de l’intelligible, les souffrances loin de se soustraire ne font que s’accumuler, elles constituent, elles et elles seules, des condamnations réellement à perpétuité.
Gérald PANDELON, avocat et universitaire
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mary
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Mary com
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