La route tracée par le gouvernement a beau être pavée d’un certain nombre de bonnes intentions, elle reste, pour les entreprises, un chemin montant, sablonneux, malaisé et de tous les côtés exposé. Le chef d’entreprise n’aperçoit pas le haut de la côte. Les plus optimistes d’entre eux ne voient rien de plus urgent que de faire le dos rond et d’attendre que les mesures promises soient effectives pour en tirer des conclusions. Les autres, les plus nombreux, ont tout simplement peur. L’économie et la psychologie ne font pas bon ménage et il faut une bonne dose de confiance pour croire aux promesses de Matignon. Comme la mouche du coche de La Fontaine, nos dirigeants virevoltent et piquent ceux qui tirent l’attelage de notre pays en ne songeant qu’à profiter politiquement d’une réussite éventuelle tout en se réservant le droit de rejeter sur les patrons la responsabilité d’un probable échec.
En bons politiciens, ils pensent qu’il suffit de promettre pour accomplir. De faire de grands discours pour convaincre. De demander aux autres de prendre des risques alors qu’ils restent bien à l’abri de leur ministère, assurés que, s’ils devaient être démis, on leur trouverait toujours un point de chute honorable et rémunérateur. Il leur est impossible de comprendre l’angoisse d’une PME qui voit son carnet de commandes baisser alors qu’elle a déjà du mal à fournir du travail à ses employés. Impossible également pour eux d’appréhender l’inquiétude du patron qui ne sait pas si les commandes déjà livrées seront effectivement payées à l’échéance, alors que les charges, taxes et impôts réclamés par le fisc devront être réglés sans délai et que les banques sont de plus en plus réticentes à lui prêter de l’argent.
Pour illustrer ce décalage entre les promesses gouvernementales et leur effet éventuel sur le terrain, regardons les six annonces faites par Manuel Valls en avril 2014 :
1. Charges patronales à l’URSSAF supprimées pour salariés payés au Smic… à partir de 2015.
2. Réduction de 1,8 point des cotisations familiales sur les salaires inférieurs à 3,5 fois le Smic… à partir de 2016.
3. Baisse des charges pour les artisans et travailleurs indépendants… à partir de 2015.
4. Suppression de la C3S, contribution sociale de solidarité que payent les entreprises ayant un chiffre d’affaires annuel excédent 760000 euros… à partir de 2015.
5. Baisse de l’Impôt sur les sociétés à partir de 2020 avec une étape intermédiaire… en 2017.
6. Suppression des « petites taxes » qui rapportent peu mais compliquent la vie des entreprises, avec un calendrier non défini.
En résumé, à ce jour, aucune réduction de charges n’a encore bénéficié aux entreprises alors que Manuel Valls s’est récemment permis de dénoncer l’attentisme des patrons, en exprimant son impatience à l'égard d'un patronat selon lui trop peu mobilisé pour la mise en œuvre du pacte de responsabilité et en affirmant que rien ne pouvait justifier son attentisme. Une telle attaque, combinée à la réticence d’une grande partie des députés socialistes envers ce qu’ils considèrent comme « cadeaux aux patrons » ne peut que renforcer la profonde méfiance de ces derniers envers les belles promesses du pacte.
Reste la question du CICE (crédit d’impôt compétitivité et emploi) qui devait être transformé en baisse de charges pure et simple. François Hollande a remis cette action… à 2020.
Emmanuel Macron, notre nouveau ministre de l’Économie, se devait d’avoir une loi à son nom. Ce sera la loi « croissance et activité » qui s’attaque à la concurrence du ferroviaire, assouplit les condition du travail dominical et dérégule les professions de notaires ou d’avocats. Quels que soient les mérites de ces textes, ils n’auront aucun effet sur la très grande majorité des petites et grandes entreprises. Par contre, ils suscitent la fronde des élus socialistes, ce qui va bien évidemment semer le doute dans l’esprit de patrons qui guettent avec angoisse la moindre reculade de la part d’un gouvernement sous pression sur les sujets qui les intéressent.
Quant à la simplification administrative tant attendue, elle suit son petit bonhomme de chemin. Une vingtaine de mesure de simplification pour les entreprises sont à l’étude. Mais rien de concret à court et moyen terme. A contrario, on note la mise en place dès 2015 de la prise en compte de la pénibilité pour le calcul des retraites. Une usine à gaz impossible à gérer pour les PME car cette pénibilité doit être déterminée sur des critères très précis, 10 au total dont le travail de nuit, le port de charges lourdes, le bruit… Chaque trimestre de travail pénible donne droit à des points. La tâche la plus pénible sera finalement celle du patron qui devra tenir la comptabilité du temps générateur de points face à des salariés pas forcément d’accord.
Georgina Dufoix, ancienne ministre des Affaires sociales, accusée d'avoir freiné, pour des raisons financières, la mise en place du dépistage systématique du virus du sida lors des transfusions sanguines se déclarait en 1985 « responsable mais pas coupable ».
Rien à voir, penserez-vous ? Il est vrai que le sida était à l’époque un tueur redoutable. Et pourtant, interrogé le mois dernier, le numéro 2 du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a avancé le chiffre d’un suicide tous les deux jours chez les chefs d’entreprises.
Coupables d’avoir pris des risques, responsables envers leur famille.
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