A la descente des otages de l'hélicoptère qui les ramenait sur Villacoublay, le chef des hommes de l'ombre qui ont réussi à les faire libérer est apparu en pleine lumière et a même pris la parole ! Cela a bien dû surprendre ceux qui ont œuvré sous le règne du comte Alexandre de Marenches qui dirigea le Renseignement extérieur de 1970 jusqu’à l’élection de Mitterrand. Son nom était certes connu, mais il ne s'affichait jamais en public devant les médias : autre temps, autres mœurs.
Mais les hommes de l'ombre, eux, n'ont certainement pas dû changer de comportement. Car la seule condition de la réussite de leurs opérations est le respect de leur incognito. Leurs méthodes non plus : certes nous l'avons vu au travers de l'augmentation constante du budget alloué à la DGSE, de l'affectation à ce service de nouveaux moyens, ceux-ci disposent certainement maintenant d'une récolte toujours plus importante de « petites informations » qui, mises bout à bout, leur permettent d'obtenir ce qu'ils cherchent partout où c'est nécessaire : le bon renseignement.
S'agissant d'otages, toute la gamme de ces moyens leur permet probablement de situer plus facilement que naguère la zone dans laquelle ils se trouvent et où ils sont déplacés. Mais rien ne pourrait aboutir sans les actions menées sur le terrain même et son environnement, par tout un réseau préexistant ou organisé au fil des mois par des agents secrets capables d'évoluer très discrètement dans tous les pays où nous avons à intervenir.
L'affaire du Rainbow Warrior, avec les faux époux Turange, a dévoilé au monde l'une des techniques employées pour avoir des yeux, des oreilles et parfois des bras partout où cela est nécessaire. On peut imaginer, sans risque de se tromper, que dans ce monde en ébullition révolutionnaire que sont actuellement le Proche et le Moyen Orient, des multitudes d'agents recrutés par les hommes de l'ombre forment un filet qui peut capter la position de tel ou tel personnage, tel ou tel otage !
En réfléchissant au problème on ne peut pas ne pas imaginer que ces succès sont dus, non à ce que nous sommes maintenant, mais à ce que nous avons été lorsque l'Empire français faisait de la France la très grande puissance que nous étions encore jusqu'en 1962, lorsque l'empire colonial s'est effondré avec l'accession à l'indépendance des derniers pays d'Afrique qui ne l'avaient pas encore obtenue.
Mais pour autant, par diverses voies, nous, la France, mais aussi nos diplomates et nos services, n'ont évidemment pas dû perdre le contact avec nos « amis » et même, nous en avoir créé de nouveaux.
Parmi eux, comment ne pas penser que les hommes de l'ombre n'auraient pas pu se constituer un vaste filet couvrant les zones à risques susceptibles de transmettre les vibrations des preneurs d'un otage englué capturé par des organisations qui vivent de ce type de rapt en revendant leur « marchandise » à des mouvement qui les utiliseront comme arme contre leurs compétiteurs politiques ou contre l'Occident.
Nous avons eu, quoi qu'en disent les descendants actuels des habitants de nos anciennes colonies et protectorats, une politique qui n'avait rien à voir avec celle des Anglais : notre tempérament latin nous a toujours amené à tenter de nous faire aimer. Pour avoir beaucoup voyagé, j'ai pu voir que nos amis anglais s'organisaient au contraire pour recréer des morceaux d'Angleterre partout ou ils régnaient en maîtres.
L'histoire leur donne raison : qui a été aimé est souvent haï; il n'y a pas de Commonwealth à la française. Eux voient toujours la Reine d'Angleterre s'y mouvoir en y étant respectée. Mais nos contacts avec ces peuples, où nous avons toujours des amis, sont probablement meilleurs que les leurs et que ceux d'autres pays.
Le djihad entrepris par les islamistes d'El Qaïda et le choc du 11 septembre, dont les membres sont soutenus sous diverses formes par des états qui se concurrencent pour élargir leur zone d'influence – notamment l'Arabie saoudite, le Qatar et l'Iran – ont dû aussi permettre la collecte de « bons renseignements » par une plus étroite collaboration des services américains et européens en la matière. Mais ils ne serviraient à rien, j'imagine, sans que des hommes ou des femmes français, au risque de leur vie, n'étaient pas capables d'évoluer sur le terrain même, pour rencontrer ceux qui permettent de nouer le dialogue avec les détenteurs d'otages. Et les faire libérer selon des modalités qu'ont rapportées les journalistes présents à Villacoublay.
Contre quelle contrepartie ? Le Président a dit que nous n'avons rien payé. Croyons le. Et pensons ce que nous voulons.
Seuls ceux qui savent le savent et c'est très bien ainsi.
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