Les blessures terroristes de la France auront fait couler encore plus d’encre que de sang. Tout honnête homme ne peut qu’hésiter à commenter le drame, la pudeur fait aussi partie de nos valeurs et vouloir tirer de la mort des preuves de la pertinence de ses analyses a quelque chose d’indécent. Le silence et le recueillement s’imposaient donc. Les morts enterrés, on peut oser écrire.
Ecrire notre compassion d’abord pour ces victimes de la barbarie mortes pour cause de blasphème pour certains, ou pour aller au bout de leur métier de défenseur de la paix publique pour d’autres ou pour avoir été là au mauvais moment ou pour avoir été juifs. Inégalité des causes mais compassion unique. Compassion universelle aussi, et à partir d’eux, tournée vers toutes les victimes, chrétiens persécutés, torturés et exécutés, juifs menacés et assassinés, musulmans morts dans les attentats censés servir leur foi, etc., toutes les victimes du terrorisme islamiste, oui toutes, partout dans le monde.
Nommer l’ennemi, puisque nous sommes en guerre, est la première évidence. C’est l’islamisme radical. Cela a aussi pour conséquence, puisque guerre il y a, d’adapter notre diplomatie à cette réalité, en utilisant la profondeur historique de notre politique arabe mais aussi en passant nos alliances au crible du financement de nos ennemis. Est-il besoin d’ajouter que la défense de notre civilisation passe par l’affirmation d’une Europe-puissance (comme le décrit Valéry Giscard d’Estaing dans son dernier livre) et ne saurait s’exonérer d’une alliance très nécessaire avec la Russie ?
La seconde est que le rassemblement pour vaincre soit national, avec tous ceux qui aiment la France et sa liberté.
La troisième est qu’il faut donner une réponse autre que les nécessaires mesures policières, d’exception si besoin est. Et là est la question la plus difficile : comment faire revenir à la patrie, ceux qui la détestent au point de préférer la haine communautariste à la paix civile ?
Le combat est aussi un combat pour nos valeurs. Et ce n’est pas la consommation débridée, les spectacles de masse, les jeux vidéo et le reste du frelaté contemporain qui peuvent répondre au besoin d’absolu propre à la jeunesse.
Et ce n’est pas, soyons réalistes, la liberté d’expression seule qui peut faire revenir les égarés ; a fortiori une liberté axée sur la dérision.
La dérision, surtout quand elle ne s’exerce pas d’abord aux dépens de sa propre personne, dans l’élégance qui doit toujours conduire à combattre son ego, est un mode de vie pour ceux qui disposent du confort matériel et moral de la société occidentale. L’irrespect, la charcuterie et le vin rouge cela peut être très sympathique mais ce n’est pas une réponse, sérieuse et pertinente, au mal être contemporain.
Seule une reconstruction patiente de l’humanisme occidental, la conscience de nos valeurs de civilisation, le goût de la vérité et du bien, l’idéal de l’honnête homme peuvent être un modèle de vie. Et il est à la portée de tous, là est notre idéal d’égalité.
Alain Finkielkraut, comme souvent, a bien analysé les choses en distinguant le parti du sursaut, qui défendra notre civilisation, du parti de l’autre qui restera fasciné par l’ennemi islamiste et tétanisé par la haine de soi et la mauvaise conscience.
Le parti du sursaut, c’est celui de la France mais il ne sera majoritaire que s’il porte haut des comportements exemplaires et un humanisme sans faille. Il faut en effet aussi convaincre l’autre, sans complaisance à l’égard de ses errements, mais sans haine et sans crainte de ce qu’il est.
La nation a vocation à rassembler tous ceux qui l’aiment, quelles que soient leurs religions ou leurs origines. A nous de la rendre à la fois vigoureuse, apte à se défendre et aimable. A chacun de comprendre qu’être digne de la France, de sa civilisation complexe et exigeante, est un effort de tous les jours.
C’est cet effort, cette dignité, cette aménité, cette exigence d’abord appliquée à soi-même, cette vision gaullienne en somme, qui rendra l’autre sensible à nos valeurs et le convaincra que ce sont elles qui vaincront car elles ont su vaincre en chacun d’entre nous ce qui rabaisse, pour nous porter, par l’effort, à faire au mieux notre métier d’homme.
Pierre Monzani
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