L’OCCURRENCE DU MOT « REPUBLIQUE » DANS LES DISCOURS POLITIQUES.
L’occurrence du mot « République » dans les discours mérite notre réflexion. C’est ainsi que le mot a fait florès dans le discours de M. Hollande prononcé dans un cimetière d’Alsace. Mais est-ce la république qui est mise en danger par des terroristes, ou la nation française ?
«S'attaquer à un cimetière, profaner, c'est insulter toutes les religions, c'est souiller la République», «Une fois encore la République vous défendra de toutes ses forces. Car à travers vous, c'est elle qui est visée, ses valeurs, ses principes, sa promesse». « Quiconque persistera en France à commettre des actes ou à proférer des messages de haine et d'incitation à la violence verra se dresser contre lui la République et ses lois», a-t-il martelé assurant que «quiconque commettra des actes antisémites sera inlassablement recherché, interpellé et condamné. La République sera plus forte que la haine.» (M. Hollande)
D’autres mots auraient mieux convenu car la République est un régime politique, pas obligatoirement synonyme de démocratie, défini par une forme de gouvernement (ou de gouvernance). Elle est souvent définie par antinomie à la monarchie, à l’empire, à la dictature…
Si 136 pays sont des républiques, certains pays associent le mot république à une religion : la République Islamique d’Iran par exemple. D’autres l’ont associé au mot populaire, alors qu’il s’agissait de régimes totalitaires. Autant dire que le mot république ne préjuge pas de vertus spécifiques ; que la république, quand elle est islamique ou populaire, génère une morale et des comportements éthiques différents de ceux de la France ; que les « valeurs dites républicaines » que l’on nous serine à toutes occasions, sans jamais les définir, ne tiennent pas compte de l’identité française ; qu’elles n’ont d’autre vocation que de tenter de faire vivre ensemble des communautés souvent hostiles.
Et aucun parti politique français ne songe à abattre « la gueuse » (la chanson des camelots du roi) !
En revanche, dans ce discours, il eut été préférable de remplacer ce mot par celui de patrie, car dans les grands évènements de notre histoire (républicaine), on proclamait la « patrie » en danger pour galvaniser les Français. Si l’on veut les mobiliser, aujourd’hui dans la situation imposée par le terrorisme, on doit admettre que c’est la patrie qui est souillée, c’est la France qui nous défendra de toutes ses forces, c’est la nation française qui se dressera, c’est l’amour de la France qui est plus fort que la haine.
Toujours la confusion des mots, pour masquer « la confusion des sentiments ». Le mot patrie est celui d’un dialecte ancien ; la nation est devenue un ensemble sans cohérence ; la France un pays souvent humilié ; son drapeau, au mieux, brulé ; l’Etat, un grand méchant loup, qui ne fait peur qu’aux gens honnêtes.
UN PEU COURT, MONSIEUR PELLOUX
M. Patrick Pelloux, médecin urgentiste et chroniqueur à Charlie Hebdo a déclaré à l’AFP : « On se sent tous Danois ce soir. Ils ont visé un dessinateur et aussi la France puisqu'ils ont tiré sur un lieu où il y avait l'ambassadeur de France. ». Très réducteur, ce chroniqueur poursuit en estimant que « ces intégristes fascistes mènent une guerre contre la culture », occultant la fusillade aux abords d’une synagogue de Copenhague.
Nous nous sommes déjà interrogés : « faut-il tuer les juifs et les coiffeurs… et les dessinateurs ? ». Par ailleurs, nous nous garderons de conclure si les dessins incriminés sont ou pas des fleurons de la culture. En revanche, la mort d’un homme, pour le seul motif qu’il est juif, aurait dû lui paraitre inacceptable.
Cette considération nous amène à évoquer un article du quotidien Libération du 15 février 2015 dans lequel l’auteur rappelle les responsabilités, dans la mort récente de 17 personnes, qu’ils s’agissent « d’acolytes passifs », ou de « complices actifs ».
Acolytes passifs, « ceux qui n’ont pas vu la réalité, ceux qui l’ont vue et qui se sont tus, et ceux qui ont laissé faire ».
Complices actifs, « ceux qui ont acheté la paix social par l’abandon pur et simple de certains quartiers aux mains d’associations douteuses et d’autres apôtres de la haine, comme l’a rappelé récemment le député de l’Essonne Malek Boutih». A ce propos, l’auteur cite 13 maires qui ont fait citoyen d’honneur de leur commune des personnes condamnées pour terrorisme…en Israël.
Aujourd’hui, nos dirigeants n’ont plus d’autres moyens de combattre ce fléau que celui de nous convoquer à une manifestation devant l’ambassade danoise. Certes, M. Vals a prononcé les mots qu’il fallait : « la place des Français juifs, c'est la France. Un juif qui part de France, c'est un morceau de France qui s'en va ». Propos qui ne sont pas du goût d’un ancien haut personnage de l’état, M. Roland Dumas qui estime le premier ministre « sous influence juive ». Madame Najat Valaud-Belkacem a parfaitement perçu dans cette phrase ce qu’est « l'antisémitisme ordinaire » et qualifié ce propos « d’atterrant ».
Mais on ne se refait pas : quelques années au Quai d’Orsay vous tordent. Est-ce pour cela qu’on prétendait que M. Mitterrand avait deux avocats, un pour le droit (M. Badinter), un pour le tordu (M. Dumas) ?
In mémoriam
Les blessures terroristes de la France auront fait couler encore plus d’encre que de sang. Tout honnête homme ne peut qu’hésiter à commenter le drame, la pudeur fait aussi partie de nos valeurs et vouloir tirer de la mort des preuves de la pertinence de ses analyses a quelque chose d’indécent. Le silence et le recueillement s’imposaient donc. Les morts enterrés, on peut oser écrire.
Ecrire notre compassion d’abord pour ces victimes de la barbarie mortes pour cause de blasphème pour certains, ou pour aller au bout de leur métier de défenseur de la paix publique pour d’autres ou pour avoir été là au mauvais moment ou pour avoir été juifs. Inégalité des causes mais compassion unique. Compassion universelle aussi, et à partir d’eux, tournée vers toutes les victimes, chrétiens persécutés, torturés et exécutés, juifs menacés et assassinés, musulmans morts dans les attentats censés servir leur foi, etc., toutes les victimes du terrorisme islamiste, oui toutes, partout dans le monde.
Nommer l’ennemi, puisque nous sommes en guerre, est la première évidence. C’est l’islamisme radical. Cela a aussi pour conséquence, puisque guerre il y a, d’adapter notre diplomatie à cette réalité, en utilisant la profondeur historique de notre politique arabe mais aussi en passant nos alliances au crible du financement de nos ennemis. Est-il besoin d’ajouter que la défense de notre civilisation passe par l’affirmation d’une Europe-puissance (comme le décrit Valéry Giscard d’Estaing dans son dernier livre) et ne saurait s’exonérer d’une alliance très nécessaire avec la Russie ?
La seconde est que le rassemblement pour vaincre soit national, avec tous ceux qui aiment la France et sa liberté.
La troisième est qu’il faut donner une réponse autre que les nécessaires mesures policières, d’exception si besoin est. Et là est la question la plus difficile : comment faire revenir à la patrie, ceux qui la détestent au point de préférer la haine communautariste à la paix civile ?
Le combat est aussi un combat pour nos valeurs. Et ce n’est pas la consommation débridée, les spectacles de masse, les jeux vidéo et le reste du frelaté contemporain qui peuvent répondre au besoin d’absolu propre à la jeunesse.
Et ce n’est pas, soyons réalistes, la liberté d’expression seule qui peut faire revenir les égarés ; a fortiori une liberté axée sur la dérision.
La dérision, surtout quand elle ne s’exerce pas d’abord aux dépens de sa propre personne, dans l’élégance qui doit toujours conduire à combattre son ego, est un mode de vie pour ceux qui disposent du confort matériel et moral de la société occidentale. L’irrespect, la charcuterie et le vin rouge cela peut être très sympathique mais ce n’est pas une réponse, sérieuse et pertinente, au mal être contemporain.
Seule une reconstruction patiente de l’humanisme occidental, la conscience de nos valeurs de civilisation, le goût de la vérité et du bien, l’idéal de l’honnête homme peuvent être un modèle de vie. Et il est à la portée de tous, là est notre idéal d’égalité.
Alain Finkielkraut, comme souvent, a bien analysé les choses en distinguant le parti du sursaut, qui défendra notre civilisation, du parti de l’autre qui restera fasciné par l’ennemi islamiste et tétanisé par la haine de soi et la mauvaise conscience.
Le parti du sursaut, c’est celui de la France mais il ne sera majoritaire que s’il porte haut des comportements exemplaires et un humanisme sans faille. Il faut en effet aussi convaincre l’autre, sans complaisance à l’égard de ses errements, mais sans haine et sans crainte de ce qu’il est.
La nation a vocation à rassembler tous ceux qui l’aiment, quelles que soient leurs religions ou leurs origines. A nous de la rendre à la fois vigoureuse, apte à se défendre et aimable. A chacun de comprendre qu’être digne de la France, de sa civilisation complexe et exigeante, est un effort de tous les jours.
C’est cet effort, cette dignité, cette aménité, cette exigence d’abord appliquée à soi-même, cette vision gaullienne en somme, qui rendra l’autre sensible à nos valeurs et le convaincra que ce sont elles qui vaincront car elles ont su vaincre en chacun d’entre nous ce qui rabaisse, pour nous porter, par l’effort, à faire au mieux notre métier d’homme.
Pierre Monzani