Imaginions-nous un jour que Monsieur Robert Hue, ex-secrétaire général du parti communiste français, serait porteur de cette prophétie. D’un évangile à l’autre ! De l’évangile sectaire dans lequel les adeptes « ne voient qu’une seule étoile (rouge) dans le ciel », à l’évangile au sens grec (euangélion), l’annonce de la « bonne nouvelle ». La bonne nouvelle ! D’abord parce que les contribuables cesseront d’entretenir des partis politiques dont la seule fonction est de fournir 620.000 élus, soit un élu pour 100 habitants… 620 000 élus et au moins 10 fois plus de candidats ! Pour ce faire, ils reçoivent 100 millions d’euros par an de subventions publiques. Comme cela ne suffit pas, on tripatouille allègrement grâce à la distribution d’emplois fictifs, dont l’illégalité a fait l’objet de la condamnation de deux chefs de parti pour le PS et de deux pour le RPR. Tous prétendaient « qu’il n’y avait pas eu d’enrichissement personnel », comme si le parti n’était pour rien dans l’accession aux carrières brillantes et lucratives : la députation, le poste de premier ministre, ou celui de président de la république. Notre constitution stipule que « les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage ». Mais pour M. Hue, « c’est tout simplement un constat lucide : les partis ne remplissent pas leurs fonctions démocratiques » et il n’hésite pas à affronter « les cris d’orfraie de « professionnels » consternés … qui n’ont jamais connu d’autre univers que celui des « appareils », de la technostructure et des « antichambres du pouvoir » ». Lucide, aucun doute. Sont-ils des organes de réflexion choisissant la meilleure stratégie pour le salut du pays ? Sont-ils seulement capables de respecter les promesses contenues dans les programmes qu’ils ont élaborés, quand l’un d’eux avoue, en connaisseur, « on fait les cadeaux avant les élections et on décide les impôts tout de suite après » ? Les petites phrases prononcées par nos présidents ne sont pas que des bons mots. Si les « élections sont devenues des pièges à cons » (selon les frondeurs de mai 1968), c’est bien parce que les partis politiques les ont polluées par l’ambition sans frein de leurs leaders, qui se préoccupent plus de leur réussite que de celle du pays. Ainsi, M. Hue a fait un rêve. Il invoque Pablo Néruda, André Marty, Jacques Derrida… et son exergue emprunte à Aimé Césaire le conseil selon lequel : « devant l’histoire, il faut rester humble, avoir du courage, se remettre en cause ». Combien de leaders politiques l’accepteront-ils ? Un moment, nous nous sommes abandonnés à l’utopie du titre de son livre, aussi saugrenue que le programme d’Alphonse Allais qui proposait de « demander plus à l’impôt et moins aux contribuables » pour permettre entre autres « l’extinction du paupérisme après 10 heures du soir ». Nous ne sommes pas stupides, il existera toujours des partis ou des groupements politiques, et il existera toujours des malandrins parmi ces derniers. Il ne peut en être autrement dans une démocratie dite représentative. C’est la raison pour laquelle il faut rendre définitivement inéligible tout élu condamné par la justice. C’est bien le moins.
Ukraine : les vrais enjeux
Ukraine : les vrais enjeux par Louis Altimare (Ligne Droite)
Comme le dit un jour feu Alexandre de Marenches, qui fut dix années durant, le meilleur chef du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) que ce service eut à sa tête depuis sa création, à Christine Ockrent qui fit un livre de ses confidences : « en matière de politique internationale, il faut pour analyser toute situation ne jamais oublier que la géographie physique et humaine l'emporte sur toute autre considération ».
C'est l'appropriation par l'Ukraine du détroit de Kertch, que la Russie redevenue puissante ne pouvait plus tolérer, qui explique toute la stratégie de Poutine depuis l'annexion de la Crimée. C'est pour la rendre pérenne qu'il organise actuellement les troubles graves que nous observons dans l'est de ce pays.
Dans la période antérieure à 2010 où Kiev, avec Victor Iouchtchenko, avait pris ses distances avec Moscou, l'Ukraine avait unilatéralement établi sa frontière maritime dans le détroit de Kertch; s'appropriant sa partie navigable et imposant ainsi des droits de passage à tous les navires russes entrant ou sortant de la mer d'Azov. L'accord russo-ukrainien de 2003 sur l'exploitation commune de la mer d'Azov et du détroit frontalier de Kertch considérait pourtant ces espaces maritimes comme des eaux intérieures communes à la Russie et à l'Ukraine. Avec l'arrivée au pouvoir à Kiev de Victor Ianoukovitch en 2010, favorable lui à la Russie, les deux pays avaient adopté une déclaration sur le partage des espaces maritimes dans ce secteur contesté. Un accord avait même été signé avec les Russes pour la construction d'un pont de 42 km de long sur 32 km de large et d'une hauteur de 50 mètres au-dessus de ce détroit. Il devait permettre et permettra dans deux ans à la Russie d'être reliée par une autoroute au territoire ukrainien, via la Crimée.
Depuis qu'elle a annexé la Crimée, la Russie a en effet affecté à ce projet un budget de 3 milliards de dollars qui ne tient aucun compte de ce que le problème de la frontière russo-ukrainienne dans le détroit de Kertch n'a pas pu être encore résolu, en raison de l’arrivée à Kiev en 2014 de Petro Porochenko qui, contrairement à son prédécesseur, cherchait, lui, à se rapprocher de l’Union Européenne.
C'est là et nulle part ailleurs que l’on trouve les vraies raisons qui ont motivé l'annexion par Poutine de la Crimée, puis sa politique militaire dans la partie russophone de ce pays.
Cette appropriation par l'Ukraine du détroit de Kertch, que la Russie désormais puissante ne pouvait plus longtemps tolérer, explique toute la stratégie de Poutine. D'autant que ce détroit et les eaux territoriales de la Crimée sont très riches en pétrole d'où la Russie nouvelle tire l'essentiel de ses ressources budgétaires.
Sa politique ne doit donc rien à l'improvisation ou à son désir de rétablir sous une autre forme l'ex empire soviétique. Dans la partie russophone de l'Ukraine il emploie les mêmes méthodes que celles qui lui ont réussi en Crimée. La différence provient de l'attaque de l'armée ukrainienne à laquelle Poutine ne pouvait permettre qu'elle rétablisse sa souveraineté sur la partie orientale russophone de son territoire qui, par ailleurs, donne accès à la Crimée et lui fournit tous les approvisionnements nécessaires à la vie de ses habitants, en particulier dans l'agriculture qui y est très prospère.
L'armée ukrainienne ayant été débordée par l'intrusion dans la zone de blindés russes et de milliers de soi-disant volontaires, la situation sur le terrain est en ce dimanche quelque peu gelée, le seul atout restant encore aux mains des Ukrainiens étant le contrôle des ports de Lougansk et Donetsk qui ont une importance stratégique; mais pour combien de temps ?
La pression internationale, la réunion de l'OTAN, les dernières menaces de l'U.E. ont abouti à un cessez-le feu qui ne tiendra qu'autant que Poutine le voudra; car c'est lui qui possède les meilleures cartes : la proximité géographique, une armée prête au combat, la détermination des séparatistes. Le premier ministre de la République populaire pro-russe de Lougansk, Igor Plotniski, n'a-t-il pas, postérieurement à cet accord, déclaré que « ses partisans n'ont pas renoncé pour autant à leur décision de se séparer de l'Ukraine ».
En face nous en sommes encore au rêve jamais abouti de la création d'une force de projection réunissant quelques milliers de soldats fournis par les seules armées réellement disponibles en Europe. Les sanctions économiques et militaires dont on menace Poutine sont des sabres de bois. Passer à des actions militaires ouvrirait la porte à une troisième guerre mondiale.
Il est temps de laisser les armes aux vestiaires et de se parler en abordant les vrais enjeux : ceux que commande la géographie dans toutes ses dimensions.
Car un jour nous aurons peut-être besoin de la Russie pour faire face à un danger pour la paix autrement plus inquiétant que celui qu'elle représente pour nous actuellement et qui se manifeste déjà, lui, dans nombre de pays du monde. Avec le même objectif : dominer par la religion le monde entier.
Le Clin d’oeil de Ligne Droite à l’actualité de la semaine
Cessez-le-feu en Ukraine, calme à Gaza, si l’on en croit nos médias, Poutine, Obama, Netanyahou et Mahmoud Abbas seront les prochains prix Nobel de la paix !
La réalité est malheureusement différente. Rien n’est résolu dans l’est ukrainien où il est désormais avéré que l’armée russe est engagée et où les deux adversaires se rejettent mutuellement la responsabilité de la reprise des hostilités. Notre édito de la semaine nous explique pourquoi il va être difficile de trouver un compromis sans porter atteinte à l’intégrité territoriale d’un pays qui a déjà vu la Crimée annexée par la Russie.
L’arrêt des combats à Gaza est tout aussi précaire et parler d’un coût de 7,8 milliards de dollars pour reconstruire, comme l’annonce l’Autorité palestinienne, nous paraît pour le moins prématuré. Le Hamas présente cette trêve comme une victoire et le peuple, au milieu de ses ruines, n’est pas loin de le croire, malgré la mise en danger délibérée des civils dont l’organisation avait fait sa stratégie.
La situation en Irak est différente en ce sens que la géographie physique ne semble pas être au cœur des objectifs de l’État Islamique, le califat s’étendant pour lui à la planète entière avec pour but d’y imposer sa conception de l’Islam. Autre différence : après avoir longtemps hésité, les alliés de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) réunis à Newport, au pays de Galles, ont posé les premières pierres d'une coalition militaire contre l'État islamique. Cette coalition comprendrait, à ce stade, une dizaine de pays, dont les ministres des Affaires étrangères et de la Défense se sont réunis vendredi matin en marge du sommet: États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Danemark, Turquie, Pologne, Canada et Australie. Reste à savoir quelle forme prendra l’intervention sur le terrain. Le déploiement de troupes terrestres par ces pays semble pour l’instant inenvisageable.
Rompant avec la tradition qui exige que l’on évite de parler de questions purement françaises lors d’un voyage à l’étranger, François Hollande a déclaré ne pas vouloir céder à la pression de l’opinion. Nous ne sommes pas fanatiques des sondages mais trop c’est trop. Ou plutôt, pas assez. Quand l’opinion est aussi unanime à rejeter la personnalité et la politique d’un président, il faut changer le peuple ou changer le président.
Changer le peuple est un processus en cours que nous dénonçons avec vigueur car il mène tout simplement à la disparition de la France. Mais c’est un processus à long terme qui, de toute façon, ne sera positif ni pour François Hollande, ni pour ses successeurs. Il lui reste alors à ne pas s’entêter. Bien sûr il pourrait, dans un premier temps, dissoudre l’Assemblée et provoquer de nouvelles élections législatives. Mais en l’état actuel de décomposition de la classe politique, il serait quasiment impossible de dégager une majorité suffisante; ce qui entraînerait la nomination d’un Premier Ministre ne disposant pas d’une majorité pour gouverner. Le FN ferait une entrée tonitruante dans l’hémicycle mais sans disposer de la majorité nécessaire pour que Marine le Pen accepte de gouverner. Une condition indispensable soulignée par la Présidente du FN elle-même.
Il ne reste alors que la démission de Hollande. Elle pourrait être précédée d’un référendum sur sa politique, ce qui lui permettrait de partir avec ce qui lui reste d’honneur. Mais Hollande n’est pas de Gaulle et la France ne peut plus se permettre de perdre le temps d’une telle consultation dont le résultat serait connu d’avance. La simple dissolution prendrait déjà trois mois au minimum pour organiser de nouvelles élections et conduirait à un jeu de chaises musicales dignes de la quatrième République.
La pression sur le président de la Banque centrale européenne n'a jamais été aussi forte. La déflation guette. Mario Draghi va-t-il se lancer dans une politique à l'américaine pour voler au secours de la zone euro ? Paris l’espère en voyant là une solution aux problèmes économiques que notre gouvernement est incapable de résoudre. A contrario, Berlin s'inquièterait d’une politique diamétralement opposée aux principes défendus depuis longtemps par l’Allemagne.
Pour la première fois, un sondage donne gagnants les partisans du divorce de l’Écosse avec Londres. « Une victoire du oui à l’indépendance est à présent une réelle possibilité », insiste Peter Kellner, patron de l'institut YouGov, dans le Guardian. Même si, finalement, le non l’emportait, il est clair que la marge sera faible et que la question reviendra régulièrement, comme le chardon et ses épines dans le flanc du lion britannique !
Le gouvernement sierra-léonais a annoncé aujourd'hui que la population sera confinée à domicile du 19 au 21 septembre pour lutter contre l'épidémie d'Ebola qui ne cesse de progresser.
Les experts réunis par l'OMS à Genève se sont prononcés en faveur de l'utilisation, à titre expérimental, des traitements dérivés du sang et des sérums pour lutter contre le virus. « Nous sommes parvenus à un consensus », a déclaré aux médias Marie-Paule Kieny, assistante au directeur général de l'OMS, à l'issue d'une réunion de deux jours à Genève avec près de 200 experts. Les sérums pourront donc être utilisés dès maintenant dans les pays touchés par la fièvre hémorragique, qui a tué plus de 2000 personnes selon le dernier bilan de l'OMS.
La bonne nouvelle de la semaine nous vient des USA avec l’annonce que 142000 jobs ont été créés au mois d’août. Ramené à l’échelle de la France, c’est plus de trente mille emplois qui auraient pu venir améliorer nos statistiques du chômage. Mais surtout, cela démontre que, lorsque l’État laisse les entreprises faire leur travail, elles le font, quelle que soit la personnalité du président.
« Tout acte manqué est un discours réussi » (Lacan)
Devons-nous accorder une implication psychanalytique au discours incontestablement réussi de Monsieur Vals devant ses camarades socialistes ? S’il s’agit effectivement d’un acte manqué, nous nous garderons bien de rechercher la distinction entre acte symptomatique, acte perturbé, acte inhibé. Mais il serait grave pour le pays que ce discours, un temps perturbé, soit définitivement inhibé. Car avec 30 ans de retard, les socialistes français consentent à réviser leurs utopies centenaires. Il ne nous a pas échappé que, ce faisant, le discours est voisin de celui de la droite lors des élections présidentielles de 2007 ; il ne nous a pas échappé non plus que, comme en 2007, il y a loin de la coupe aux lèvres. Le premier ministre connaissait probablement l’adage selon lequel : « il ne faut pas laisser sa volonté gronder, quand son pouvoir ne peut que murmurer ». Nous verrons vite s’il a eu raison de gronder, en venant à bout des « frondeurs », pour lesquels la perspective de la dissolution est le début de la sagesse. Tel est le pronostic de M. Alain Juppé, estimant, en connaisseur, que ces quelques députés ne sont pas assez « fous » pour la souhaiter. Avec ce discours réussi, Monsieur Vals pourra méditer, s’agissant de ses amis politiques, la réflexion de Kierkegaard : « le tragique, c’est quand deux personnes qui s’aiment ne se comprennent pas », et s’agissant de l’opposition, « le comique, c’est quand deux personnes qui ne s’aiment pas se comprennent ». Les « frondeurs », entrés dans le rang, il lui faudra affronter ses ayatollahs, ceux qui, par des lois sociétales, divisent la nation au moment où elle a le plus besoin d’être unie, ceux qui estiment que la prison n’est pas une solution à la délinquance, mais qui la juge pertinente quand elle censure précisément les impertinents à l’égard du pouvoir. Ainsi en est-il du dessinateur Miège, récemment mis en examen pour un dessin, ce qui est aussi inquiétant que la prétention d’un magistrat du XVII ° siècle qui s’exclamait : « donnez moi six lignes de l’écriture d’un homme et je me charge de le faire pendre ». M. Vals devra se rappeler qu’on est responsable de ses amis, surtout lorsqu’ils ont balayé les sentiers de sa gloire. Mais surtout, il faudra affronter la rue, parce qu’elle sera envahie par tous ceux qui sont mécontents de tout : de la retraite à 62 ans, des cadeaux aux entreprises, de l’insuffisance de logements, des difficultés de la scolarisation, des discriminations, peut-être de la guerre à Gaza, en se consolant toutefois du fait que celles plus fréquentes, en Syrie, en Irak, en Libye, en Ukraine, ne donnent pas lieu aux mêmes manifestations. . Des travaux d’Hercule pour lesquels tant d’hommes politiques se préparent à succéder à M. Hollande (seul M. Juppé l’avoue pour le moment). Evidemment, « pourquoi nous retirer et abandonner la partie quand il nous reste tant d’êtres à décevoir ? » (in Syllogismes de l’amertume. Emil Cioran).