Les cent jours par Pierre Laroche (Ligne Droite)
François Hollande n’est pas Napoléon. Il n’est pas homme à ouvrir sa redingote en offrant sa poitrine devant ses opposants pour les rallier. Après la Bérézina des élections municipales, c’est donc par Manuel Valls interposé qu’il a entrepris son retour. Va-t-il réussir à le faire ? C’est loin d’être certain. Les cent jours que ce dernier vient de passer à Matignon rappellent la tentative de reprise en main de l’Empire après le séjour à l’île d’Elbe. Bien sûr ce n’est pas encore Waterloo. Mais les généraux de son armée syndicaliste commencent à le lâcher. Malgré les efforts accomplis, au mépris de toute justice sociale, pour protéger les bataillons de l’éducation nationale, seul budget en augmentation substantielle afin que ceux qui votent « bien » lui restent fidèles, les sondages restent obstinément bas et les indicateurs économiques, mois après mois, trimestre après trimestre, sont catastrophiques.
Manuel Valls s’est pourtant démené pendant ces cent jours. Mais chaque fois qu’il s’est éloigné de la stricte orthodoxie socialiste, il s’est heurté à un nombre croissant d’élus de la défunte majorité présidentielle.
Ce fut d’abord l’extrême gauche de Mélenchon et de ses amis qui ont dénoncé la politique d’austérité avant même que le gouvernement ne promette de faire des économies. Promesses pourtant encore loin d’être tenues.
Ce fut ensuite Europe Écologie Les Verts qui ont fini par quitter le gouvernement sans y être vraiment jamais entrés. Nos soi-disant écologistes sont désormais plus proches de l’extrême-gauche que de la politique social-démocrate, assumée à défaut d’être pratiquée, par le couple Hollande-Valls.
Enfin, un nombre non négligeable d’élus socialistes bon teint se sont désolidarisés du virage de la nouvelle politique annoncée. S’ils n’ont pas encore osé mettre en minorité l’équipe gouvernementale, ce fut au prix de concessions qui enlèvent tout espoir de voir un peu de réalisme économique venir polluer les utopies gauchistes.
Ces cent jours ont vu trainer en longueur la mise en place du fameux « pacte de solidarité » annoncé par François Hollande dès le début de l’année. Repris par le même lors du lancement de la « conférence sociale » qui devait réduire le coût du travail par la négociation entre patronat et syndicats et redonner à la France un peu de compétitivité. Vaste projet, que, son discours achevé, le président a rapidement repassé à Manuel Valls, lequel a vu, peu après, la plupart des syndicats quitter la table des négociations. Les participants qui sont restés ont dû apprécier le café et les biscuits car ils ont promis de se revoir en septembre.
S’ensuivit une pause sociale, tant il est probable que les syndicats ne lanceront pas de grèves ou de manifestations pendant la période des vacances.
Même le conflit de la SNCM, une autre épine que même Manuel Valls n’a pas osé arracher, vient de faire une pause, au gré du bon vouloir de la CGT. Quatre mois de délai donc, avant un redressement judiciaire désormais inévitable.
Ses cent jours avaient déjà mal commencé quand François Hollande lui avait imposé le maintien de Christiane Taubira à la Justice. Non pas en raison de l’amour immodéré qu’éprouve le président pour cette dernière, mais parce qu’il avait peur de céder tous les pouvoirs à son nouveau Premier ministre aux dents longues. De fait, Manuel Valls se trouve contraint de passer sous les fourches caudines de celle qu’il avait à peine supportée quand il était à l’Intérieur. Et ces fourches sont pointues et éminemment dangereuses. Le projet que notre Garde des Sceaux nous a concocté consiste tout simplement à ignorer que majorité rime avec responsabilité. Le projet de la Chancellerie propose en effet une extension obligatoire de la justice des mineurs aux jeunes adultes de 18 à 21 ans. Une mesure à contre-courant du rajeunissement de la délinquance que chacun peut constater, notamment en matière de stupéfiants où des adolescents de 14 ans ne se contentent plus de faire les vigies, mais sont aussi des vendeurs, avec les règlements de compte violents que cela implique. Le Premier Ministre et surtout ex Ministre de l’Intérieur devra ravaler sa rancœur en pensant aux forces de l’ordre qu’il dirigeait il y a peu de temps et qui ne comprennent pas pourquoi elles devraient risquer leur vie, chasser puis arrêter les coupables, pour les voir revenir, totalement blanchis, les narguer quelques jours plus tard.
Le seul point positif pour Manuel Valls est que, n’ayant jamais caché son opposition aux idées de Christiane Taubira, il n’en subira que peu de conséquences personnelles. Il aura d’ailleurs suffisamment de soucis pour canaliser les projets farfelus de ses autres ministres, Ségolène Royal et Arnaud Montebourg en tête.
Je laisserai la conclusion à Manuel Valls lui-même. Lors des cérémonies du Centenaire de la Grande Guerre, il citait Georges Clémenceau qui, disait de Félix Faure : « il voulut être César, il mourut Pompée ! ».
Non ! Hollande n’est pas Napoléon et n’est pas César non plus.
Mais Valls se prendrait-il pour Brutus ?
AU DIABLE VAUVERT
Il n’est pas certain que M. Valls ait été bien inspiré en fêtant ses 100 jours de premier ministre dans cette ville de Vauvert. En effet, avant d’exprimer une distance lointaine, celle qui, en la circonstance, sépare les bonnes intentions des réalisations, l’expression signifiait au XV° siècle « faire le diable de Vauvert », soit « s’agiter comme un beau diable ». C’est bien ce que fait notre premier ministre socialiste. Toutefois s’agissant de réformer le pays, aucun contribuable ne songerait à lui reprocher des phrases telles que celles-ci : « je ne suis pas homme à renoncer, mais je crois que toute action doit partir d’un constat lucide. La France est entravée, coincée, tétanisée. Le manque de logement car trop de normes ralentissent la construction. Sans ces réformes, c’est l’enlisement qui nous guette… ». Diable ! Beau discours d’un candidat qui recueillerait aisément nos suffrages. Cependant, nous devons lui rappeler le constat du socialiste Jean Jaurès, que toute la classe politique honore aujourd’hui, sans doute parce qu’à l’unisson elle s’en confesse : « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots » ou « N'ayant pas la force d'agir, ils dissertent ». Impuissance ou schizophrénie du pouvoir de gauche. Arrogance à droite : celle d’un candidat « que les épreuves de vie n’ont pas débarrassé de cette épouvantable arrogance, de cet épouvantable mépris » (M.Guaino). Si nous n’avions pas compris, le Figaro précise que M. Guaino « fait référence au passé judiciaire d’Alain Juppé ». Il est réconfortant de constater que ces deux personnalités s’accordent au moins sur un point. Pour M. Valls : « il faut être exemplaire, car c'est l'exemplarité qui crée la confiance entre les citoyens et celles et ceux qui ont la charge de les représenter. Pour M. Guaino « l’exemplarité seule permet de donner des leçons de morale ». Applaudissons : la France peut-être sauvée ! Ne nous réjouissons pas trop vite. M. Joseph Caillaux, éminente figure politique de la troisième république, ne serait-ce que pour avoir créé l’impôt sur le revenu, mais « condamné pour intelligence avec l’ennemi pendant la première guerre mondiale » n’a vu sa brillante carrière politique que suspendue. Quel bonheur d’être le « meilleur » parmi ses pairs !
LE PREMIER DANS UN CONCOURS… DE CIRCONSTANCE
Paul Claudel, qui s’interrogeait au sujet de « celui qui sortira premier dans un concours de circonstance », aurait dû savoir que c’était sémantiquement le plus opportuniste. Le dernier sondage nous apprend que M. Alain Juppé est classé devant M. Nicolas Sarkozy. Toutefois, par définition, le propre des circonstances est de varier, et elles auront peut-être changé d’ici 2017. Changer ? Devons-nous rappeler, comme nous l’avons fait il y a peu, que « tout change pour que rien ne change » et que ce mot usé a cependant la faveur de tous les candidats aux postes suprêmes. Un analyste du Figaro (24 juin 2014) a la cruauté de rappeler que pour M. Giscard d’Estaing, « le changement était dans la continuité », que M. Mitterrand voulait « changer la vie », que M. Sarkozy avouait avoir « changé » en 2007, ou plus tard, qui le sait ?, et M. Hollande annonçait « le changement c’est maintenant ». Comme il a eu raison de le faire, car les « Français ont la mémoire courte ». Et pourtant, des Français se sont souvenus de leurs vieilles gloires pour en faire les trois piliers de la sagesse d’un parti politique. Comme l’avait prédit Clemenceau « il faut un nombre impair pour diriger et trois c’est trop », il n’en restera bientôt plus qu’un, ne démentant pas un député, UMP évidemment, souvent primé pour son humour, M. André Santini, qui disait « dans une formation à trois il faut être l'un des deux » La présidentielle ? Bingo ! Nous avons notre champion pour cette occurrence et gardons-nous de barguigner sur le fait qu’il n’est plus très jeune pour « faire l’affaire » jusqu’en 2022 ; qu’il y a 20 ans – 20 ans déjà ! – le pays était dans la rue, les trains ne roulaient plus, mais l’on s’habitue à cela désormais ; que « droit dans ses bottes », il ne devait rien céder (un humoriste observera quelques jours plus tard qu’il avait obtenu fort heureusement que le papier hygiénique restât rose dans les toilettes des wagons) ; que parfois il ne manque pas d’une indulgence étonnante quand il estime que « la présentation qui est parfois faite de ce mouvement (les frères musulmans) mérite sans doute d’être révisée» ; que la justice lui a fait quelques reproches, à cela aussi on s’habitue ; que ce sont les partis qui assurent les carrières, et donc en pratique « l’enrichissement personnel », mais cela peu l’admettent.