« Je suis Charlie », la formule a fait florès. La compassion, l’identification à la victime, la solidarité à bon compte et la bonne conscience en prime, avaient le mérite de dissoudre l’événement (c’est-à-dire une grave défaillance de la sécurité) dans une attitude de petite bravade, de petit défi sans grand danger. Je n’ai pas été Charlie parce que ce canard vole trop bas, même si sa vulgarité ne mérite pas pour autant le peloton. Je n’ai pas non plus été Paris, parce que ce n’était pas le gai Paris qui danse
Deux interventions dans Atlantico
ADORER CE QUE L’ON A BRULE. LA POLITIQUE EST UN ART BIEN SINUEUX
Notre président brise les idoles socialistes. Pendant 50 ans le pays a vécu sous la doxa socialiste, même quand il était censé être dirigé par la droite. Nationalisation et redistribution ont été les deux mamelles de notre société. Est-ce fini ? Peut-on croire que l’intoxication se dissipera avant de nombreuses années ?
En définitive, peut-on croire les candidats aux fonctions suprêmes ? Hier M. Sarkozy, les bulletins en sa faveur étaient à peine décomptés, qu’il composait un gouvernement avec huit affidés de son adversaire. Certes, M. Hollande a pris le temps « d’essayer » pendant deux ans, mais ses amis n’en sont pas moins dupés aujourd’hui.
Ceci nous amène à une réflexion sur la fascination du pouvoir. Que désirent vraiment tous ceux qui prétendent vouloir sauver leur pays ? Malraux faisait dire à Gisors dans « La Condition humaine » : « Le pouvoir du roi, c’est de gouverner, Mais l’homme n’a pas envie de gouverner, il a envie de contraindre ». Observation inquiétante pour ceux qui sont nourris de la littérature des Encyclopédistes, mais observation partagée avec ceux qui répètent que le « pouvoir rend sot», ou « qu’il rend fou », « que le pouvoir d’ordonner provoque souvent l’incapacité de penser », « que le pouvoir absolu corrompt absolument»…
Evidemment, nous ne sommes pas en Corée du Nord et « nos systèmes peuvent survivre, lorsque les circonstances sont favorables, historiquement parlant, et lorsque le gâchis est amorti par des vastes ressources ».
Parfois l’ardent désir de pouvoir confine au burlesque. C’est l’information du jour, donnée par le Monde, qui nous a incité à écrire ce billet : « Hariri se dit prêt à former un gouvernement avec le Hezbollah ». Cela nous rappelle le sonnet de Georges Fourest ou la parodie du Cid d’Edmond Brua : « Dieu ! Soupire à part soi la plaintive Chimène / Qu’il est joli garçon l’assassin de Papa ! ».
Et vous voulez croire encore aux sauveurs ? Nous avions déjà rappelé que « l’on se fait élire comme le messie, on s’installe comme un monarque, et on gouverne… n’importe comment ». Ce n’est pas M. Hollande qui a dérogé à la règle.
Les lendemains qui sifflent, les surlendemains qui pleurent
Hué, sifflé sur les Champs Elysées, Monsieur Hollande savait-il qu’il " y a une plus grande peine que de ne pas avoir ce dont on rêve, c'est de l'avoir obtenu." ?
Car l’exercice du pouvoir est chose difficile, probablement plus en France que dans les autres pays : une constitution monarchique, un système électoral qui, pour être efficace, laisse un quart des citoyens non représentés et donc destinés à nourrir la contestation, des syndicats peu représentatifs, mais dont on ne peut nier l’utilité (comment arrêter des grèves avec des multiples « coordinations » ?), un peuple frondeur, des populations allogènes, des doléances spécifiques….
Tout cela, les candidats le savent, mais leur premier souci est d’être élu, en se disant que le lendemain est un autre jour et, qu’avec un peu de chance – la reprise tant attendue, ou le « coup de pot » de M. Chirac –, ils pourront durer.
Malheureusement pour Monsieur Hollande, les évènements s’accélèrent, une crise de régime s’ouvre, le tocsin est sonné même par des socialistes comme M. Malek Boutih (mais n’a-t-il pas toujours été le plus sensé ?)
L’assemblée sera dissoute, car c’est toujours ainsi que les choses finissent dans un premier temps, et la droite, pour son malheur, reviendra, impuissante, dans ce champ de ruines entassées depuis plus de 30 ans. Les élus demanderont encore l’aide financière des contribuables des classes moyennes et celle des riches, s’il en reste encore. Séquence déjà connue, lors du bref passage de M. Juppé aux affaires en 1995. Ils abandonneront tout projet de réforme (en ont-ils seulement aujourd’hui ?), de crainte du retour du balancier trois ans plus tard, en tentant de nous persuader de la pertinence de cette passivité. Le plus important, n’est-il pas d’être élu ou réélu ?
Aucun ne cherche à laisser une marque flatteuse dans l’histoire. Il est peu probable que monsieur Hollande laisse la moindre marque, sauf si, comme Kerenski, il abandonne la place aux avatars français des bolcheviques. Il ne l’aura certes pas voulu, mais son irrésolution et l’impasse idéologique incorrigible des socialistes ainsi que celle de leurs affidés, font craindre que la révolte se termine en révolution.