Déni de réalité
Gérald PANDELON, avocat, professeur de droit et politologue, est membre du Bureau Politique de la Droite Libre.
Dans un article sur Atlantico intitulé:
6 défis majeurs pour la France largement délaissés par les partis traditionnels (et qui ne leur laissent que leurs yeux pour pleurer sur la hausse du FN), il donne une analyse aiguisée de la réaction des politiques faces aux problèmes majeurs de notre pays, principalement concernant la politique pénale.
François Hollande, lorsqu'il déclare dans Le Parisien vouloir "arracher" les électeurs au Front National, se comporte comme l'ensemble de la classe politique française depuis plus de 30 ans : incapable de s'attaquer à la réalité, celle-ci se contente de mettre en garde contre la "menace FN".
Politique pénale : quand les débats idéologiques masquent la réalité
Gérald PANDELON : Par essence, c'est même ce que l'on appelle vaguement aujourd'hui son "logiciel" et que le philosophe Heidegger aurait nommé l'ontologie, la gauche française, davantage que la droite qui le refuse volontairement par stratégie politique, éprouve des difficultés dans l’appréhension du réel.
En premier lieu, le réel, surtout s'il ne vient pas corroborer la version officielle ou la ligne du parti, est systématiquement révoqué en doute, ce qui constitue, à l'exception notable de M. Manuel VALLS, un a priori mental, et ce, même si ledit réflexe idéologique conduit le gouvernement à une crise importante de légitimité. Il en va ainsi de la perception du phénomène frontiste. Plutôt que de dire tout simplement la vérité, à savoir qu'il y a un lien évident entre la montée de l'insécurité et celle d'une immigration extra-communautaire qui n'est plus contrôlée, il apparaît préférable d'indiquer que les électeurs de Marine Le Pen seraient des "brebis égarées" ou des personnes sans doute exclusivement exclues socialement, même si la vérité est bien évidemment ailleurs.
Pour les thuriféraires de cette posture mentale, lorsque le réel (l’observation objective des faits) contredit l'idéologie (leur interprétation du monde) alors le réel a soudainement tort. En effet, non seulement le FN compte autant d'élites surdiplômés non seulement parmi ses rangs mais également parmi celles et ceux qui, encore aujourd'hui, votent secrètement pour ce mouvement ; mais, au surplus, l'électorat frontiste n'est pas davantage en rupture sociale que d'autres électorats ; il constitue majoritairement aujourd'hui une classe moyenne, au même titre que les électeurs du parti socialiste ou de l'UMP.
Cette disqualification aveugle n'est d'ailleurs que la marque de la faiblesse grandissante de ces deux partis qui, tantôt par réflexe idéologique, tantôt par stratégie volontaire, brandissent le spectre du FN par crainte tout simplement de perdre uniquement leur fonds de commerce puisqu'ils ne pensent plus mais ne font que panser les plaies de leurs mouvements en décomposition.
C'est ce que ressentent une part croissante de français qui s'aperçoivent massivement (certains l'avouent d'autres non) que la plupart des sujets importants (chômage, insécurité, terrorisme, immigration, fiscalité écrasante, question de l'indépendance de la France dans l'Union Européenne, etc), les partis institutionnels n'ont cessé et ne cessent de leur mentir.
Ce sont, disent-ils, les mêmes qui nous expliquent qu'il faut lutter contre "Daesh" (et non l'Etat islamique…) qui, par exemple, financent le parti islamique turc dans le cadre de l'aide de pré-adhésion à cet Etat octroyé par l'Union Européenne ; ce sont les mêmes qui considèrent que les impôts et charges sont écrasants et même confiscatoires qui, en réalité, ne font rien pour les baisser ; ce sont les mêmes qui nous expliquent "être à l'écoute du peuple" qui, dans les faits, in fine, le méprise, etc.
C'est ce décalage abyssal entre les mots et les actes qui a créé et fait prospérer le Front national.
En second lieu, et surtout pour le parti socialiste, il s’agit constamment de sacrifier la vérité à la théorie, fût-elle fumeuse, plutôt que d’accepter, même au prix d’un toilettage idéologique, et un peu d’honnêteté intellectuelle, qu'ils seraient dans l’erreur d’analyse et qu'ils auraient très largement sous-estimés les difficultés auxquelles notre pays est confronté.
Il faut travestir la vérité car on ne peut pas reconnaître son impuissance structurelle à agir. Prenons l'exemple du sempiternel mensonge pénal que constituent les discours concernant la délinquance. Sur ce sujet, l’analyse se heurte à une forme de discours-écran, qui s'inscrit à l’interface entre la réalité observée et les conclusions toujours édulcorées qui en sont tirées au nom d’un impératif idéologique. Il en va ainsi de l’idéologie fallacieuse du sentiment d’insécurité.
En effet, plutôt que de reconnaître que la réalité en Île-de-France et en PACA est celle d’une ultraviolence que l’on ne peut plus maîtriser, et dont les auteurs sont majoritairement issus d'une immigration extra-européenne (ce que reconnaissent curieusement en secret d'ailleurs tous les partis), par conséquent que la situation s'aggrave dramatiquement (encore deux assassinats dans les bouches-du-Rhône en quelques jours), il est désormais urgent et de bon ton prioritairement de manipuler les chiffres, donc les esprits, pour expliquer que, peu ou prou, la violence baisse, que les chiffres sont moins désastreux qu’il y a quelques années ; bref, in fine, que tout va bien.
Or, la réalité vécue par une part croissante de la population c'est précisément le contraire : ça ne va pas ou mieux ça ne va plus.
Sourds aux cris de désespoir de son électorat, il convient toujours de pacifier l’ordre social et politique par le prononcé de sempiternels discours lénifiants qui, pourtant, se heurtent à la réalité vécue au quotidien par une population croissante, en région PACA ou en Île-de-France.
Autrement dit, à rebours de ce que nous expliquent les sociologues et psychologues médiatisés, l’insécurité n’est pas un sentiment mais une réalité ; une réalité bien souvent cruelle ; celle vécue par des bijoutiers l'année dernière à Nice, celle subie par la moitié de la population marseillaise prise en otage par une multiplication d’actes d’incivilités qui leur pollue l’existence. C'est pourtant davantage le tabou sur des sujets sensibles qui a suscité et suscite un intérêt croissant pour les idées véhiculées par le front national qu'un quelconque penchant pour le racisme d'un électorat qui, très majoritairement, n'a rien de raciste mais qui érige tout simplement la réalité vécue et visible en réaction non pas condamnable mais parfaitement compréhensive et légitime.
D'ailleurs, il n'y a, d'une certaine manière, plus que le FN qui fasse encore de la politique puisque seul son discours repose sur une idéologie alors les autres partis, ayant abandonné le combat des idées, n'usent que d'arrangements institutionnels (utilisation, par exemple, récente de l'article 49-3 de la Constitution, dans le cadre du projet de loi Macron, pour une majorité fragilisée).
Enfin, peut-on considérer sérieusement que le chiffre de 33 % d'intentions de vote en faveur du parti de Marine Le Pen serait essentiellement le fait de personnes dépourvus d'humanité et d’empathie pour l'Autre ? A l'évidence, non.
La vérité c'est qu'il s'agit principalement d'excellents citoyens écœurés par le mensonge structurel et la lâcheté de nos gouvernants institutionnels.
Ce qui fait défaut, de façon dramatique, à mon sens, c'est une réelle légitimation du pouvoir majoritaire.
Gérald PANDELON, avocat, professeur de droit et politologue
In mémoriam
Les blessures terroristes de la France auront fait couler encore plus d’encre que de sang. Tout honnête homme ne peut qu’hésiter à commenter le drame, la pudeur fait aussi partie de nos valeurs et vouloir tirer de la mort des preuves de la pertinence de ses analyses a quelque chose d’indécent. Le silence et le recueillement s’imposaient donc. Les morts enterrés, on peut oser écrire.
Ecrire notre compassion d’abord pour ces victimes de la barbarie mortes pour cause de blasphème pour certains, ou pour aller au bout de leur métier de défenseur de la paix publique pour d’autres ou pour avoir été là au mauvais moment ou pour avoir été juifs. Inégalité des causes mais compassion unique. Compassion universelle aussi, et à partir d’eux, tournée vers toutes les victimes, chrétiens persécutés, torturés et exécutés, juifs menacés et assassinés, musulmans morts dans les attentats censés servir leur foi, etc., toutes les victimes du terrorisme islamiste, oui toutes, partout dans le monde.
Nommer l’ennemi, puisque nous sommes en guerre, est la première évidence. C’est l’islamisme radical. Cela a aussi pour conséquence, puisque guerre il y a, d’adapter notre diplomatie à cette réalité, en utilisant la profondeur historique de notre politique arabe mais aussi en passant nos alliances au crible du financement de nos ennemis. Est-il besoin d’ajouter que la défense de notre civilisation passe par l’affirmation d’une Europe-puissance (comme le décrit Valéry Giscard d’Estaing dans son dernier livre) et ne saurait s’exonérer d’une alliance très nécessaire avec la Russie ?
La seconde est que le rassemblement pour vaincre soit national, avec tous ceux qui aiment la France et sa liberté.
La troisième est qu’il faut donner une réponse autre que les nécessaires mesures policières, d’exception si besoin est. Et là est la question la plus difficile : comment faire revenir à la patrie, ceux qui la détestent au point de préférer la haine communautariste à la paix civile ?
Le combat est aussi un combat pour nos valeurs. Et ce n’est pas la consommation débridée, les spectacles de masse, les jeux vidéo et le reste du frelaté contemporain qui peuvent répondre au besoin d’absolu propre à la jeunesse.
Et ce n’est pas, soyons réalistes, la liberté d’expression seule qui peut faire revenir les égarés ; a fortiori une liberté axée sur la dérision.
La dérision, surtout quand elle ne s’exerce pas d’abord aux dépens de sa propre personne, dans l’élégance qui doit toujours conduire à combattre son ego, est un mode de vie pour ceux qui disposent du confort matériel et moral de la société occidentale. L’irrespect, la charcuterie et le vin rouge cela peut être très sympathique mais ce n’est pas une réponse, sérieuse et pertinente, au mal être contemporain.
Seule une reconstruction patiente de l’humanisme occidental, la conscience de nos valeurs de civilisation, le goût de la vérité et du bien, l’idéal de l’honnête homme peuvent être un modèle de vie. Et il est à la portée de tous, là est notre idéal d’égalité.
Alain Finkielkraut, comme souvent, a bien analysé les choses en distinguant le parti du sursaut, qui défendra notre civilisation, du parti de l’autre qui restera fasciné par l’ennemi islamiste et tétanisé par la haine de soi et la mauvaise conscience.
Le parti du sursaut, c’est celui de la France mais il ne sera majoritaire que s’il porte haut des comportements exemplaires et un humanisme sans faille. Il faut en effet aussi convaincre l’autre, sans complaisance à l’égard de ses errements, mais sans haine et sans crainte de ce qu’il est.
La nation a vocation à rassembler tous ceux qui l’aiment, quelles que soient leurs religions ou leurs origines. A nous de la rendre à la fois vigoureuse, apte à se défendre et aimable. A chacun de comprendre qu’être digne de la France, de sa civilisation complexe et exigeante, est un effort de tous les jours.
C’est cet effort, cette dignité, cette aménité, cette exigence d’abord appliquée à soi-même, cette vision gaullienne en somme, qui rendra l’autre sensible à nos valeurs et le convaincra que ce sont elles qui vaincront car elles ont su vaincre en chacun d’entre nous ce qui rabaisse, pour nous porter, par l’effort, à faire au mieux notre métier d’homme.
Pierre Monzani
Nouveau livre d’Alexandre del Valle : « Le Chaos syrien: Minorités et printemps arabes face à l’islamisme »
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Description lucide et sans langue de bois de la menace totalitaire représentée par le "jihadisme 2.0", ce nouveau livre d'Alexandre del Valle écrit avec l’intellectuelle chrétienne syrienne Randa Kassis sort dès ce 28 novembre en librairie.
En spécialiste de la désinformation et de l’islamisme radical, Del Valle explique d’emblée – avec son co-auteur, la courageuse militante laïque syrienne (chrétienne) – que « le double but de Da’ech (Etat Islamique) et des islamo-terroristes en général n’est pas du tout de tuer pour tuer, ce qui reviendrait à méconnaître les lois du terrorisme, mais plutôt de provoquer un « syndrome de Stockholm » généralisé chez les publics arabes et occidentaux psychologiquement terrorisés. L’objectif des psychopathes de l’Etat islamique et de leur Calife « Ibrahim » (alias Abou Bakr al Baghdadi) est également de « susciter du même coup une fascination lugubre au sein de la minorité active d’êtres humains qui est naturellement fascinée par la barbarie (…) ».
« La stratégie de la sidération »
« La guerre livrée par le totalitarisme islamiste est au moins autant psychologique et médiatique que militaire ou terroriste. L’extrême efficacité marketing de ces insoutenables mises en scène ne doit jamais être sous-estimée ou mise sur le compte de la simple folie, car cette stratégie de la sidération explique pourquoi des villes et villages entiers de Syrie et d’Irak ont été conquis par l’EI très souvent sans que les jihadistes n’aient eu à combattre. Le but des égorgeurs de Da’ech est avant tout de saper le moral de l’ennemi et de faire parler d’eux au maximum grâce au pouvoir multiplicateur quasi infini des réseaux sociaux. Cette stratégie de guerre sémantique et psychologique est fondée sur de vieilles méthodes connues de tous les manipulateurs-désinformateurs : sidération de la proie, retournement sémantique, renversement des rôles, culpabilisation et diabolisation de la cible et de ses alliés. Elle ne doit surtout pas être sous-estimée par des Occidentaux complexés et réceptifs aux arguments d’autres islamistes, quant à eux apparemment plus « modérés », qui leur assènent chez nous la même propagande subversive et culpabilisante selon laquelle il y aurait un « complot occidental » contre le monde musulman ».
Dans leur chapitre sur la genèse et l’histoire de Da’ech, les auteurs rappellent que le premier à avoir « professionnalisé» à l’échelle planétaire et de façon très moderne cet atroce modus operandi alliant barbarie et vidéo-sidération (égorgements en direct posté sur le web) fut Abou Moussab al-Zarqaoui, l’ex-chef d’Al-Qaida en Mésopotamie et précurseur de Da’ech. C’est par ces assassinats-décapitations « live » que l’Etat islamique a réussi à supplanter la vieille garde d’Al-Qaida et même la figure charismatique de Ben Laden, désormais presque ringardisé par les « nouveaux barbares 4 G » de Da’ech… En effet, ces derniers ne sont pas de simples « intégristes obscurantistes », comme on l’entend ou le lit souvent dans les médias occidentaux. Mais ils sont au contraire ultramodernes, à leur manière, bien plus « interconnectés », « mondialisés » et férus de réseaux sociaux ou de smartphone que leurs anciens mentors aux méthodes de communication périmées.
« La dénonciation de la soi-disant « islamophobie », carburant ressentimental des totalitaires verts
Del Valle-Kassis poursuivent en s’en prenant au mythe de l’« islamophobie » dont seraient coupables les Occidentaux et que les coupeurs de tête de l’Etat islamique mettent en avant pour justifier leurs atrocités: cette vulgate victimiste, carburant de tous les totalitarismes, pénètre non seulement depuis des décennies les pays musulmans, mais aussi les sociétés d’Occident qui offrent d’ailleurs en pâture leurs propres citoyens musulmans aux prédicateurs barbus, eux-mêmes appuyés et formés par nos étranges « amis » du Golfe et autres « alliés » obscurantistes, fabricants de fanatiques. Il s’agit par conséquent de ne pas prêter le flanc aux arguments subversifs des fous de Dieu et de traiter chez nous, avec la plus grande fermeté, les propagandistes islamistes qui viennent fanatiser nos jeunes premièrement en se posant en « défenseurs » des musulmans « victimes de l’islamophobie » et deuxièmement en distillant une conception théocratique de l’islam totalement opposée à nos valeurs, sous prétexte de « droit à la différence » et de respect du pluralisme.
L’exemple terrifiant de la Mosquée de Lunel, de tendance Tablighie (école ultrafondamentaliste indopakistanaise très présente en Europe), où ont été fanatisés à leurs débuts les jihadistes français partis combattre en Syrie, est là pour faire réfléchir et prendre la mesure de la nature désormais endogène et nationale de la menace islamo-terroriste qui est D’ABORD idéologique et fruit d’un prosélytisme que nos dirigeants politique ont lâchement laissé prospérer sur notre sol depuis des décennies et ce, en toute impunité.
Concernant le conflit syrien, les auteurs expliquent tout aussi clairement et avec moult exemples et détails que « la rébellion sunnite syrienne est dominée, et ceci depuis le début de l’insurrection armée, par des "fanatiques barbus " et que nous devons avoir le courage de ne pas céder à l’islamiquement correct qui consiste à croire que l’on pourrait jouer la carte "d’islamistes modérés" face au régime syrien qui est d’ailleurs loin d’être sur le point de s’écrouler…
La Syrie n’est pas la Libye…
Pour répondre aux inconscients adeptes du « regime change » qui auraient souhaité renverser, dès 2012, le régime de Bachar al Assad, quitte à mettre en place des adeptes de la Charià, Del Valle-Kassis rappellent dans cet essai riche en informations croustillantes sur les Alaouites, les multiples groupes islamistes, les rapports de force régionaux, etc, que les précédents de l’Irak (2003) et de la Libye (2011) sont là pour montrer que le renversement, par des bombardements aériens meurtriers, de dictatures qui persécutent leurs opposants islamistes n’a jamais eu pour effet de rendre ces derniers plus pacifiques… Encore moins de « calmer leur colère » qui trouve d’ailleurs toujours de nouveaux prétextes »… De ce fait, et fort des douloureuses expériences régionales passées, les auteurs expliquent « qu’une intervention militaire occidentale déclenchée, même au tout début de l’insurrection anti-Assad, aurait accéléré le chaos et serait à la fois dramatique pour les minorités religieuses (notamment alaouite, chrétienne, ismaélienne ou chiite) et irréaliste diplomatiquement, car elle exclut d’office toute négociation avec le pouvoir qui demeure, qu’on le veuille ou non, incontournable ».
Ils rappellent que « la rébellion syrienne n’a depuis longtemps déjà plus grand-chose de syrien puisqu’elle est dominée par des légions jihadistes internationales dont le projet politique n’est pas du tout la nation syrienne et encore moins la démocratie, mais le Califat universel… Le fait qu’entre 3000 et 4000 « volontaires » occidentaux aient rejoint cette internationale jihadiste en dit long sur le chaos syrien ».
« Choisir entre le choléra de l’islamisme jihadiste en intervenant contre la peste d’une dictature militaire n’aurait pas plus de sens stratégique que de cohérence. Car d’un point de vue géopolitique, la Syrie est devenue aujourd’hui, avec l’Irak et le Liban, le théâtre majeur d’un affrontement régional auquel se livrent par procuration l’Iran chiite et ses ennemis sunnites du Golfe, Arabie saoudite en tête, dans le cadre d’une triple guerre totale : politique, religieuse et économique. L’enjeu est ni plus ni moins le leadership du monde musulman et l’extension de la profondeur stratégique de chacun des deux camps ».
Après avoir fait un rappel historique sur la Syrie et la région, les auteurs consacrent une partie cruciale de leur ouvrage à la terrible guerre civile régionale qui oppose, d’une part, l’axe chiite-alaouite pro-iranien et, de l’autre, l’axe sunnite prosaoudien (puis proturc, proqatari, etc), ceci « sur fond de « nouvelle guerre froide » opposant également (de l’Ukraine au dossier du nucléaire iranien), les puissances occidentales à la Russie et à ses alliés, dont la Chine, qui refusent toute ingérence de l’Occident dans les affaires de l’Etat syrien.
Si la situation en Syrie semble actuellement sans issue, cela vient aussi du fait que des Etats de la zone et même que certaines puissances mondiales n’ont cessé d’attiser le conflit et se nourrissent de l’hétérogénéité syrienne au lieu de proposer des solutions de paix réalistes qui passent forcément par un dialogue avec des éléments du régime de Damas. Mais les auteurs ne se contentent pas de s’indigner, comme nos va-t-en-guerre à la BHL, ou de prôner une hypothétique et stupide intervention contre le régime d’Assad, dont on a vu les résultats catastrophiques avec les cas irakien et libyen… Ils proposent au contraire de réelles solutions de sortie de crise fondées sur la realpolitik et le pragmatisme. Celles-ci passent par un dialogue avec toutes les forces, notamment les Alaouites et le régime baathiste en place, ceci afin de mettre en place une « plateforme de négociation" qui viserait à élaborer un projet de « réconciliation nationale » susceptible de concilier, à terme, à la fois la stabilité nationale, le respect de la laïcité et la pluralité religieuse qui ont existé en Syrie depuis l’avènement du parti Baath et que les partisans de la Charià voudraient supprimer…
Ainsi, selon les auteurs, la double clé politique et géopolitique pour mettre fin à cette terrible guerre civile réside, premièrement, au niveau interne, dans la solution fédéraliste ou confédérale, la seule qui puisse assurer la paix et un « vivre ensemble » sans qu’un groupe n’en tyrannise un autre – mais en laissant toutefois les ministères régaliens aux baathistes-alaouïtes – et deuxièmement, au plan externe, dans la prise en compte des positions non seulement de l’Occident et des autres alliés de l’opposition syrienne, mais aussi de celles de la Russie et de l’Iran, alliés du régime syrien, donc incontournables. Car aucune paix ne sera possible et durable sans cet équilibre. Il est donc aberrant de n’écouter, comme s’en est contenté hélas le président Hollande jusqu’à aujourd’hui, que les puissances sunnites du Golfe ,marraines du jihadisme wahhabito-salafiste, et leur ami néo-ottoman turc, alliés objectifs de Da’ech et ennemis du chiisme, des alaouites « apostats » et de leurs protégés chrétiens de Syrie.
Un livre à lire ! Alexandre del Valle et Randa Kassis, Le chaos syrien, minorités et printemps arabes face à l’islamisme, Dow éditions, 22 euros, Cartes, Lexique, Index.