Les affrontements très violents qui se déroulent depuis quelque temps à Kiev entre deux groupes de manifestants d'égale importance, que la police et l'armée n'arrivaient pas à faire rentrer chez eux, sont évoqués ces jours-ci encore par de nombreux médias et inquiètent l'ONU et toutes les chancelleries occidentales. Ils ont été d’une intensité telle que l'on pouvait craindre qu'ils ne débouchent sur une guerre civile. Ils peuvent d'ailleurs dégénérer un jour pas très lointain et se terminer par la scission du pays.
Cela nous ramène à la situation que l'Ukraine a connue lorsque que fut évincée du pouvoir le premier ministre précédent, pro-occidental, en la personne de Ioula Timochenko qui l'avait été en 2005 puis entre 2007 et 2010. Elle fut battue à la présidentielle de 2010 par moins de 3 points d'écart par le président actuel Viktor Ianoukovitch qui la fit un peu plus tard emprisonner pour des motifs de circonstances !
Après s’être montré inflexible, le Président ukrainien Viktor Ianoukovitch, certainement inspiré par le tuteur Russe, Vladimir Poutine, a accepté plusieurs mesures d’apaisement, refusées jusqu’à présent par l’opposition qui réclame la démission pure et simple du Président.
Est-il sincère ? La raison profonde a un nom : Sotchi, sur la mer noire, pour l'inauguration des jeux olympiques d'hiver. Cet évènement revêt pour Poutine une importance considérable : il souhaite que son inauguration le 7 février prochain en présence de nombreux chefs d'état étrangers, pour la réussite desquels il a dépensé des milliards sans compter, lui apporte ainsi qu'à son pays la consécration internationale de leur retour dans la cour des grands.
Les Jeux Olympiques passés, les propositions du Président ukrainien pour réformer la constitution pourront elles aboutir à apaiser durablement la situation? Probablement pas. Il est foncièrement russophile et a choisi d'accepter l'aide financière de la Russie, qui récompense peut-être la prorogation de 25 années du bail de l'utilisation par les Russes de leur base navale d'Istamboul en Crimée. Cette prolongation leur donnant le temps de hisser celle qu'ils établissent à Novorosïibirsk en mer noire, sur leur propre territoire, depuis 1997, au niveau requis pour accueillir une flotte pour navires de tous rangs leur permettant d'être présents aussi en Méditerranée.
Ce faisant, Ianoukovitch s'oppose à la volonté d'une majorité d'Ukrainiens qui souhaitent, eux, adhérer à l'Union Européenne. Il peut compter sur l'appui de la minorité russophone qui représente 30% de la population, mais 67% en Crimée où se situe la base navale de Sebastopol dont les Russes peuvent disposer par un accord d'état à état jusqu'en 2042. Avec un atout supplémentaire, géographique celui-là, tout l'est et le sud est du pays sont russophones. La Russie a , elle, de nombreuses très bonnes raisons de ne pas accepter de perdre son contrôle sur ce pays, comme elle le fait en Syrie en soutenant Assad pour pérenniser la base navale dont elle y dispose.
Les mêmes causes entrainant les mêmes effets, ce que nous rapportent les médias sur ces affrontements ne constituent objectivement que l'écume des choses. Il y a donc peu de chances de voir ce conflit se régler rapidement car Vladimir Poutine , le nouveau Tsar de Russie, a le même souci que ceux qui l'étaient par le sang pour ce qui concerne la défense des intérêts de son pays. Il peut s'appuyer en cela sur une très large majorité de Russes au patriotisme égal à celui que leurs parent ont démontré aux pires heures du Stalinisme pour défendre héroïquement la patrie en danger, en oubliant les millions de morts, y compris ceux des leurs assassinés par les Rouges de 1917 à 1940 !
L'Europe, les USA essaient de jouer les médiateurs mais, pas plus que pour la Syrie, ils ne réussiront à changer les données du problème : La Russie de Vladimir Poutine est de retour sur la scène internationale.
Après l'humiliation de l'entrée de nombre de ses anciens alliés du pacte de Varsovie dans l'OTAN; avec l'arme du gaz et du pétrole; avec une industrie rénovée grâce à la coopération avec l'occident, la Russie est à nouveau en mesure de défendre bec et ongle ce qui lui reste de son pré carré et si possible de l'élargir.
Et elle a à sa tête l'homme qui a toutes les qualités et les atouts nécessaires pour maintenir dans l'obédience les pays qui seraient maintenant tentés de s'en échapper.
Pour ce qui concerne l'Ukraine, la Russie y a aussi un enjeu géostratégique puisque son gaz transite par ce pays et qu'elle ne peut s'en servir éventuellement comme arme économique contre l'occident qu'avec un gouvernement ukrainien plus ou moins à sa botte.
Poutine n'est pas n'importe qui. Quand on rappelle seulement qu'il a été membre de ce qu'est devenu l'ex KGB sous la dénomination de FSB après la chute du mur, on oublie l'essentiel. L'essentiel, c'est que la perestroïka fut l'œuvre du KGB. Ayant des yeux et des oreilles dans le monde entier, ses membres étaient seuls conscients de l'énorme fossé qui se creusait dans tous les domaines, hormis celui de l'armement, des satellites et des fusées, entre les économies occidentales et celles des pays de l'Est. Les vieux hiérarques soviétiques qui contrôlaient le parti imaginèrent de s'en sortir par le haut via une attaque chirurgicale par fusées qui n'aurait atteint que les forces armées franco-anglaises en Allemagne, en une période ou l'Allemand était écologique et refusait à ce titre la mise en place de fusées Pershing seules capables de neutraliser la menace. Ce fut François Mitterrand, par son célèbre discours au Budenstag du 20 janvier 1983, qui retourna la situation avec l'aide d'Helmut Kohl par sa phrase fameuse : "les Verts sont en Allemagne, les fusées à Moscou". L'acceptation des fusées U.S. dissuada l'URSS de mettre à exécution sa menace.
Plus tard, la guerre des étoiles annoncée par Ronald Reagan devait convaincre l'URSS qu'elle ne pouvait plus faire jeu égal avec les USA. La perestroïka put alors prendre le relais avec de nouveaux hiérarques qui tentèrent de sauver le régime. Mais il était trop tard. Après diverses péripéties, un Boris Eltsine dépassé par les évènements désigna un total inconnu, le Lt-Colonel Poutine, pour lui succéder ! On connait la suite.
Poutine ne lâchera jamais, il en va de l'orgueil retrouvé de celui qui a redonné à son pays son rang dans le monde. Ses armes ? Le pétrole, le gaz. Son pouvoir : qui redevient quasi absolu. Les USA l'ont compris qui exploitent chez eux le gaz de schiste. La Grande Bretagne aussi. Nous ? Entre l'Algérie qui ne s'acquitte pas de ce qu'elle nous doit pour avoir soigné ses malades des décennies durant (5 milliards dit-on), mais à qui on paie rubis sur l'ongle le gaz qu'elle nous vend; les pays arabes qui nous achètent les fleurons de nos monuments prestigieux et font chez nous des investissements pour l'après pétrole, notre refus d'exploiter nos gisements de gaz de schiste, nous condamnent pour longtemps à rester dépendants du bon vouloir des pays pétroliers !
Apprend-on la géopolitique à l’ENA ?
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